Pour le retour d’un cinéma indépendant à Lille
Ça n’a échappé à personne, on fait beaucoup de parallèle en ce moment en France avec les années 30 ; ça m’a donné envie de vous faire entendre des propos qui restent d’une étonnante actualité. En 1931, Germaine Dulac, une des rares femmes cinéastes au début du siècle dernier, disait du cinéma qu’il « nous jette hors de notre cadre, hors de notre milieu, hors de nos pensées familières, hors de nos connaissances acquises, dans des mondes ignorés… Il est un œil puissant, qui s’ajoute au nôtre, beaucoup trop limité« .
En cette période nauséabonde de fermeture des frontières mentales et géographiques, ça fait du bien à entendre. Et cela s’ajoute aux deux bonnes raisons de parler de nouveau cinéma en conseil municipal.
Première raison : nous l’avons appris par un arrêté municipal daté du 19 avril 2024 : le générique de fin a sonné pour le projet Pathé à Lille Sud, avant que soit posée la première pierre. C’est une bonne chose que ce feuilleton se termine. Nous ne pleurons pas la fin d’un projet à deux pas de Lillenium qui nous semblait inutile et dépassé, on l’a déjà dit. Ce projet qu’il se réalise ou pas ne change rien à l’anomalie lilloise qui demeure : celle d’une très faible offre de diffusion des films art et essai indépendants, de films de patrimoine, d’actions d’éducation à l’image et aux médias. Tout cela notamment parce que nous n’avons plus de cinéma art et essai indépendant qui puisse montrer les films qui sortent.
Seconde raison : le conseil municipal de juin est aussi l’occasion d’observer les comptes. Or, force est de constater que de 2021 à 2024, la part des subventions aux opérateurs culturels dédiée au secteur du cinéma et de l’audiovisuel est faible, avec constance. En effet, cette enveloppe oscille à peine autour de 130.000€ annuels, sur un total de 10.300.000€ apportés à l’ensemble des opérateurs culturels, soit 1,26%, et même ?? du budget culture de la ville, puisque nombre d’équipement culturels sont gérés directement par la ville. C’est faible, beaucoup trop faible au regard des enjeux liés aux images.
Soyons clair, Lille n’a pas besoin d’une salle de cinéma municipale, que ce soit en régie ou en délégation, il y a de la place et un modèle économique pour un opérateur privé et indépendant, comme nous le défendions déjà dans notre programme en 2020.
Mais voilà, cela fait 5 ans maintenant que l’anomalie lilloise persiste. Aussi, maintenant que le dossier Pathé est clos, nous aimerions savoir ce soir quelles discussions vous avez engagé d’une part avec l’association Lille Cinéphile qui s’est récemment constituée justement pour contrer cette anomalie, d’autre part avec UGC qui avait repris les deux cinémas art et essai de la ville et se trouve dans la métropole lilloise en position très dominante.
Un projet transitoire serait nécessaire à Lille, même si pas suffisant. Nous restons très vigilants à l’évolution du Majestic et du Métropole, qui plus est quand on observe ce qui a pu se passer dans d’autres villes. Je le redis, Lille a besoin d’un cinéma art et essai indé-pen-dant, un lieu permanent bien implanté, en connaissance des besoins locaux.
Nous insistons sur ce point car avec le temps,
- plus l’offre de diversité des images qui arrive jusqu’à nous se restreint,
- plus la fenêtre se ferme pour les artistes et les voix singulières,
- plus le public s’étiole et perd la connaissance et le désir de la diversité.
Aujourd’hui Il y a ceux qui nous inondent de vidéos pour vendre du temps de cerveau disponible, et il y a des cinémas qui nous montrent des films pour élargir nos horizons. Je ne doute pas Madame l’adjointe à la culture que vous préférerez défendre les seconds. Pourriez-vous nous dire ce soir ce que vous comptez faire pour leur donner enfin une plus grande priorité ?