Quel accompagnement pour les mineurs isolés qui vivent à Lille ?

« Quel accompagnement pour les mineurs exilés qui vivent à Lille ? » Question orale du groupe Lille Verte

Cette question s’adressait au maire en premier lieu, mais évidemment aussi aux collègues du conseil ici présents. Elle s’adresse aux parents d’adolescents que vous avez été, que vous êtes ou serez. Elle s’adresse aux adolescents que nous avons tous été. Elle s’adresse d’abord aux élus de la République que nous sommes. Élu.es de la République, cela nous engage envers tout adolescent qui arrive dans notre ville, à des milliers de km de son pays, qui a été suffisamment motivé pour se risquer à laisser derrière soi tout ce qui lui était cher et familier.

Or, à l’heure actuelle plus d’une centaine de mineurs non accompagnés à Lille ne doivent l’essentiel de leur subsistance qu’à la générosité de quelques associations et personnes résolues à les aider, à la charité de paroisses qui leur offre le gîte, de mosquées qui leur donne à manger. Sans ces initiatives, ces jeunes seraient livrés à eux-mêmes.

L’association Utopia 56 a lancé une nouvelle alerte. Elle indique que 138 mineurs isolés sont actuellement en procédure de reconnaissance de minorité et se trouvent sans droits, dans un flou juridique. Dans sa pétition Utopia 56 précise que « cette procédure de reconnaissance dure en moyenne 6 mois, [et que] 80% des jeunes sont finalement confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance, selon les résultats d’audience des jeunes accompagnés par les associations lilloises ces 2 dernières années. »

Le comité des droits de l’enfant de l’ONU a exprimé en juin 2023 vis à vis de la France ses vives préoccupations à ce sujet et – je cite – « appelle au respect du principe de « présomption de minorité » : la personne devrait être traitée comme un enfant, et demeurer protégée par les services d’aide à l’enfance, durant le processus d’établissement de l’âge. »

Or, depuis des mois, ce sont des familles lilloises et de la métropole qui se relaient pour accueillir des jeunes durant quelques jours ou semaines, afin de pallier l’inertie du Département. Et c’est grâce à 14 paroisses de la ville et de la métropole que 82 jeunes sont actuellement hébergés, ce qui a permis de démanteler le campement de Lille Sud. Mais ceux-ci, accueillis pour l’hiver, ne pourront plus bénéficier de l’aide de l’évêché après le 15 avril – c’est à dire dans dix jours – et se trouveraient réduits, le cas échéant, à rejoindre la vingtaine de jeunes dormant en tente dans un nouveau campement à Bois Blancs, où là encore un collectif de familles du quartier s’est constitué pour leur apporter une aide.

Ce campement n’est que la preuve de « la prise en charge déficiente des mineurs non accompagnés pointée dans plusieurs rapports ces dernières années. »Cette déficience, c’est le très officiel site Vie Publique qui la pointait le 8 décembre dernier.

Traitements très longs des procédures, non respect de la présomption de minorité, absence de mise à l’abri et de scolarisation qui leur sont dues, précarisation… La liste est longue des manquements de l’État et du Département. Il ne faut pas s’étonner que nous soyons alertés, Préfet et élus de notre ville, de la MEL et du département, pour que soient appliquées la loi française et la déclaration universelle des droits de l’enfant. Cela engage aussi notre ville et j’en veux pour preuve les délégations de vos adjoints sur la solidarité, l’hébergement d’urgence, la jeunesse, la solidarité internationale et via les conseils de quartier. Nous savons combien Mme Staniec-Wavrant est défavorable au campement, elle l’était à Lille Sud, elle l’est pour celui à Bois Blancs. En effet qui parmi nous pourrait admettre que ces jeunes ne méritent que ça…

Monsieur le premier adjoint, des citoyennes et citoyens à titre individuel ne peuvent être les seuls à agir concrètement pour que ces jeunes aient un toit. Il en va donc de notre responsabilité pour que le Préfet, les présidents du conseil départemental et de la MEL, les Maires se réunissent enfin avec les parties prenantes et trouvent une solution pour les mineurs en recours.

D’où notre question : devant cette situation de grande précarité des mineurs non accompagnés dans notre ville, comment comptez-vous œuvrer pour parvenir au tour de table attendu ? Comment notre conseil municipal peut-il contribuer au respect des droits fondamentaux, au retour de l’action publique 

Bien sûr, je tiens à préciser que sur l’accueil des exilés et le refus de la misère, nous vous savons engagés. Nous l’avons vu avec l’accueil de familles afghanes et ukrainiennes. Mme Aubry, surtout, a cosigné en décembre 2023 l’appel Plus aucun enfant à la rue, avec nombre de personnalités, maires de grandes villes et associations caritatives, dont Utopia 56.

Monsieur le premier adjoint, vous vous êtes fortement impliqué cet hiver pour l’accueil d’urgence, nous vous en savons gré ; certains de vos adjoints étaient présents au rassemblement devant la préfecture le 3 février en soutien à cette jeune mère en attente de papiers, qui du fait de ses conditions de vie, a perdu son bébé de trois mois. Et comment ne pas citer le festival des solidarités internationales, ou le vibrant plaidoyer de Bertrand Badie à Lomme il y a peu ?

Enfin, je rappelle que les groupes socialiste, communiste et écologiste ont envoyé un courrier commun au président du conseil départemental du Nord. Encore un courrier resté sans réponse, sans réaction.

Puisque le président du département du Nord et le Préfet semblent reste sourds à leur devoir, sachez que nous sommes à vos côtés pour accentuer la pression et garantir des conditions d’existence dignes à ces jeunes qui ne connaissent pour l’essentiel de notre pays et de notre ville… que la rue. Et heureusement de la solidarité de lilloises et lillois.

Dans l’attente de votre réponse, je vous remercie de votre attention.