Budget prévisionnel 2024 : des désaccords qui persistent

Intervention de Jérémie Crepel sur le budget prévisionnel de la Ville de Lille pour l’année 2024

Madame la maire, chère collègue,

Je veux d’abord vous féliciter, les élus et les services, pour la présentation de ce budget, dans un contexte qui reste compliqué, tant sur les conditions de réalisations, que sur les incertitudes de la conjoncture. A première vue, plusieurs éléments de ce budget pourraient nous apparaître comme positifs. Mais regardons-y de plus prêt.

Parlons d’abord des associations. Cela fait plusieurs années que nous vous réclamons une revalorisation des subventions aux associations, véritable rempart social pour les lilloise et les lillois dans cette période difficile. La forte mobilisation ce mercredi des centres sociaux – nous en reparlerons au cours de ce conseil – en est un indice. Justement, vous annoncez une augmentation du budget alloué aux associations de 0,4 % dont 82 000 euros supplémentaires pour les centres sociaux et 157 000 euros pour les crèches associatives. Fort bien. Mais que pèsent ces 82 000 euros face aux réelles difficultés des centres sociaux, confrontés à une hausse légitime – au regard de l’inflation – de leur masse salariale ? Que pèsent ces 116 000 euros supplémentaires au budget total des associations quand vous en promettez déjà 239 000 aux centres sociaux et aux crèches ? Une baisse pour les autres. C’est déshabiller Pierre pour habiller Paul. N’oublions pas d’ailleurs les APU qui ont perdu leurs financements du Département et qui doivent gérer toujours plus de cas avec des moyens bien inférieurs. Au passage, nous n’arrivons pas à nous expliquer pourquoi celle de Fives est la seule à ne toucher que 15 000 euros contre 30 000 pour les autres APU alors que nous sommes dans un quartier très touché par la précarité et la nécessité de renouvellement urbain. Que pèsent alors ces 0,4 % face aux 5 % d’inflations en 2023 et en 2022 ? Cela fait plusieurs années que nous vous alertons sur le fait qu’un budget qui n’augmente pas quand l’inflation sévit, c’est en réalité une baisse. Nous avons fait le calcul. En euros constant, par rapport à 2020, c’est une baisse réelle de 14 % du budget des associations, quand on a déduit l’inflation. Madame le maire, le compte n’y est pas.

Parlons ensuite des investissements, qui devraient augmenter avec 130M d’ouverture de crédits pour 2024, et une priorité encore affichée pour la transition écologique avec 43 millions pour la performance énergétique et environnementale et 26 millions pour la métamorphose paysagère soit plus de la moitié du budget investissement pour ces deux chapitres. Mais rappelons nous 2022 – puisque nous n’avons pas encore les chiffres définitifs de 2023. Vous nous aviez annoncé 115 millions d’investissements, vous en aviez réalisé 84. Les investissements de performance énergétique et rénovation environnementale devaient être la priorité avec 28,4 millions d’euros soit 21 % des investissements. Vous en aviez réalisé à peine la moitié avec 15 millions, ce qui en faisait finalement le second poste d’investissement. Même chose en 2021 puisque seulement la moitié des 17 millions investissements prévus dans ce chapitre avait été réalisés ce qui l’avait fait chuté de la 1ère place promise à la 3e place effective. C’est pourtant le domaine le plus important pour lutter contre le changement climatique et faire baisser la facture énergétique de la ville.

Avec le retard sur les investissements qui a été pris depuis le début du mandat, arriverons-nous réellement à réaliser les investissements conséquents qui sont prévus pour la fin du mandat ? Permettez-nous d’en douter. Nous avons bien peur que dans ce domaine aussi, à la fin, le compte n’y soit pas.

Venons en maintenant à la masse salariale et aux postes. Depuis le début du mandat, nous vous demandions des embauches dans d’autres domaines que la police municipale, afin de permettre, justement, davantage d’efficacité dans la réalisation de votre programme d’investissement. Nous nous inquiétons aussi du manque d’attractivité de la ville en partie due à vos choix de politique de Ressource Humaine, et notamment de votre frilosité sur le travail à distance. Alors nous ne pouvons que nous réjouir, pour les agents qui font un énorme travail au service de la population, et pour l’attractivité de la ville, de la revalorisation des salaires programmées dans ce budget. Nous devrions également nous réjouir du budget programmé pour de nouvelles embauches. Mais sur le recrutement de 46 agents prévus, une partie consiste en un simple rattrapage des recrutements non effectués en 2023 faute d’attractivité de la ville. Comment allez-vous rattraper ce retard dans un contexte défavorable aux collectivités locales ? Nous ne le savons pas, et là encore, nous avons peur que le compte n’y soit pas.

Mais parlons enfin du volet recettes. Vous avez poussé des cris d’orfraies lors du débat sur le rapport d’orientation budgétaire, lorsque mon collègue Stéphane Baly vous a proposé une politique de soutien aux lillois qui souffrent de l’inflation, avec pour les mesures les plus importantes, la gratuité de la cantine pour les familles en dessous du seuil de pauvreté et un tarif solidaire à 1 euros par mois pour le stationnement des résidents en dessous du même seuil de pauvreté. Vous nous avez même taxé de démagogues. Pourtant, de votre aveu même lors de débats, vous avez évalué la première mesure à moins d’un million d’euros. Et lorsque l’on lit dans le document budgétaire que les abonnements ne représentent que 10 % des recettes de stationnement et parmi eux seulement 38 % bénéficient d’un tarif solidaire, on peut estimer que l’impact d’un tarif à 1 euro serait marginal. Et pourtant vous le refusez quand les recettes fonctionnements de la villes atteignent 440 millions d’euros dont 10 millions de recettes supplémentaires sur le stationnement.  C’est finalement là où le bât blesse le plus significativement. Quand il s’agit d’aider les lillois en difficultés, le compte n’y est vraiment pas.

Madame le maire, à force de frilosités, à n’avoir pas suffisamment investi quand les taux d’intérêts étaient bas, à n’avoir pas mis en œuvre une politique de ressources humaines qui rende la ville attractive sur les embauches, à refuser encore et toujours de mettre en œuvre la majoration de la taxe sur les résidences secondaires – qui ne toucherait pas les lillois, vous ne pouvez nous présenter qu’un budget qui arrive à l’équilibre grâce à l’extension du stationnement payant, mais sans pouvoir répondre véritablement aux besoins des lilloises et des lillois. Ce budget, nous ne le voterons pas.

Je vous remercie.