Madame le Maire,
Comme les Françaises et les Français, les Lilloises et les Lillois, la Ville de Lille subi de plein fouet les effets de le retour de l’inflation. Elle n’est d’ailleurs pas seule, la moyenne des dépenses de fonctionnement des communes françaises augmente de 5,9%, c’est plus que l’augmentation des recettes de fonctionnement.
Cette dégradation des capacités financières des communes est en partie imputable à l’État. Après des décisions fiscales défavorables à l’autonomie des collectivités territoriales, c’est aujourd’hui par l’insuffisance de son action en matière de solidarités que l’État s’illustre. Justice sociale et urgence écologique. Justice sociale : les collectivités ont besoin de plus d’aide pour lutter contre la précarisation de ses habitantes et habitants, contre l’exclusion des plus en difficulté d’entre nous, pour accompagner celles et ceux qui en ont besoin. Mais alors que le nombre de précaires augmente, les moyens attribués demeurent les mêmes, et nous devons faire plus dans de mauvaises conditions, ou demander aux associations de faire plus, quand elles aussi tirent la sonnette d’alarme, à l’image des Restos du cœur à la rentrée. Urgence écologique: les collectivités ont besoin de plus d’aide pour la mise en œuvre de la transition écologique sur les territoires. Fond territorial climat : 200 millions d’€ quand les collectivités avaient chiffré le besoin à 1 milliard par an ! Pour agir pour le climat, il faut des moyens.
Mais revenons à l’échelle lilloise. Votre lecture des différents indicateurs retenus dans ce ROB reste correcte en dépit de la situation économique et financière dégradée, signe selon vous d’une bonne gestion depuis plusieurs années. C’est discutable. Une augmentation des taux directeurs – quand ceux-ci étaient au plus bas au lendemain du Covid – était prévisible, seule la date était inconnue. Comme nous vous l’avons dit alors, et comme nous vous l’avons rappelé depuis, nous avons raté une opportunité d’emprunter massivement quand les taux étaient au plus bas.
Ces emprunts sont nécessaires à la réalisation des investissements de la Ville, dont on nous dit dans ce ROB qu’ils vont être rehaussés à 85 millions d’euros par an en moyenne, soit 90 millions par an à partir de l’année prochaine. Nous nous étonnons de ces prévisions quand nous venons pour la première fois d’atteindre notre objectif d’investissement en 2023. Quand comptez-vous annoncer aux Lilloises et aux Lillois que vous n’atteindrez pas les objectifs que vous avez affichés en début de mandat ?
Ce ROB nous fait l’effet d’une succession d’annonces imprécises : les investissements vont augmenter fortement, mais lesquels ? Côté fonctionnement, je cite : « Le budget 2024 devra donc permettre d’assurer la force de notre soutien au secteur associatif », est-ce que cela signifie un maintien du soutien financier, ou une augmentation ? Et de combien ? Nous l’avons déjà répété : un maintien du soutien financier en période d’inflation revient à une baisse en euros constants. Nos partenaires associatifs devraient être soutenus plus fortement dans cette période, comme c’est le cas pour nos agents. Soit, nous ne sommes qu’à l’étape du ROB, pas du budget, mais il est difficile de juger de votre action lors d’un débat sur les orientations budgétaires avec seulement des demi-orientations…
C’est pourquoi nous nous sommes particulièrement intéressés au bilan que vous tirez de l’année 2023, et aux orientations que nous pensons nécessaires pour l’année à venir.
Je l’ai dit en introduction, les Lilloises et les Lillois subissent durement les effets de l’inflation. Ainsi, nous proposons que la Ville mette en place ou contribue à la mise en place au prochain trimestre d‘un paquet de mesures pour lutter contre l’inflation et pour redonner du pouvoir de vivre aux Lilloises et Lillois.
- La gratuité de la cantine pour les familles sous le seuil de pauvreté et la baisse des tarifs pour les classes moyennes. Notre proposition détaillée figure dans les amendements aux tarifs municipaux que vous avez reçus mercredi soir, mon collègue Jérémie Crépel vous les présentera tout à l’heure.
- La révision des tarifs sociaux d’ilévia, et la mise en place d’un service de location de vélos de longue durée. Nous proposons que la Ville utilise son influence pour porter ces mesures à la MEL en faveur du droit à la mobilité. Rappelons que le RSA était à moins de 500 euros en 2014, et que ses bénéficiaires n’ont aujourd’hui plus le droit aux tarifs pensés pour eux.
- L’instauration d’un nouveau tarif résident solidaire à 1 euro pour le stationnement payant pour les personnes sous le seuil de pauvreté. Nous vous avions déjà fait cette proposition l’année passée, nous vous la représentons ce soir. Vous trouverez dans nos amendements aux tarifs municipaux le détail chiffré.
- L’extension de la mutuelle municipale déjà en place à Lomme à Lille et Hellemmes.
- La gratuité du transport des plateaux repas du CCAS pour les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté.
- L’extension de l’aide au paiement des licences sportives de 11 à 18 ans, et du montant maximum de cette aide de 80 à 100 euros.
- La mise en place d’une indemnité télétravail pour les agentes et agents de la Ville de Lille. Nous nous réjouissons de la mise en place de la prime pouvoir d’achat à destination des agentes et agents, ce que d’autres collectivités font également dans le reste du pays. Afin de renforcer le pouvoir de vivre des agents de la Ville, nous pourrions mettre en place une prime télétravail, qui existe par exemple à la MEL où elle va passer à 2,88 euros par jour, pour encourager ce mode de travail qui permet de diminuer la part des transports quotidiens, c’est donc bon pour la transition écologique et bon pour le pouvoir de vivre de nos agents.
- La baisse du coût du ticket d’entrée à la piscine pour arriver à 50 centimes en tarif réduit, et 1 euro pour le tarif plein.
- Un soutien financier accru aux associations qui œuvrent dans la distribution d’aide alimentaire et qui subissent de plein fouet les conséquences de l’inflation. Les cris d’alerte de plusieurs associations dont les Restos du coeur, le Secours populaire, etc, doivent être à l’origine d’une aide ponctuelle de la Ville.
- La gratuité des licences sportives pour toutes les personnes en situation de handicap.
Ces mesures s’adressent à l’ensemble des Lilloises et Lillois en situation de précarité, mais aussi de la classe moyenne : aux familles, aux sportifs, aux personnes en situation de handicap, aux jeunes, aux personnes âgées…
Nous espérons que vous saurez vous saisir de cette opportunité que nous vous offrons. Après avoir qualifié à mi-mandat, votre bilan écolo de vert pâle… nous ne voudrions pas qualifier d’ici la fin de mandat votre bilan social de rose pâle.
Avant que vous ne m’opposiez des raisons budgétaires pour ne pas mettre en œuvre ces mesures, j’attire votre attention sur le fait que l’extension du stationnement payant aura représenté 4 millions d’euros de recettes nettes pour la Ville en 2023, et alors que cette extension n’est intervenue qu’à partir du mois de juin. L’année prochaine, cette extension concernera également Moulins et Fives, ce qui portera les recettes à 6 millions d’euros supplémentaires pour l’année 2024. Vous aviez été prudents l’an passé en n’anticipant pas sur les recettes qu’entraîneraient cette mesure, la situation n’est plus la même aujourd’hui. Voilà l’enseignement de ce ROB. Nous chiffrons l’ensemble des mesures que nous venons de vous proposer à environ 3,5 millions d’euros, ce qui est donc plus que raisonnable et finançable. Il est juste socialement que le stationnement payant, sorte de nouvel impôt local, soit redistribué de cette façon.