Nathalie Sedou exprime une nouvelle fois le besoin d’un cinéma indépendant à Lille

Il y a un an exactement Madame la Maire, en conseil municipal, je vous interrogeais sur le projet Pathé à Lille Sud et exprimais le besoin pour notre ville d’un cinéma indépendant, ce que Lille Verte défendait dès 2020 dans son programme.

Un an plus tard, il n’y a aucun signe d’avancement d’un nouveau multiplexe. En revanche un collectif de professionnels et spectateurs a lancé une pétition pour le retour d’un cinéma Art& essai indépendant à Lille. Et on nous propose donc ce soir une motion pour en discuter de façon ouverte.

Cela montre que l’attente est partagée, ce qui n’a rien d’étonnant car le cinéma est une formidable machine à générer des souvenirs communs. D’ailleurs, Madame Aubry, Madame Duhamel, il semble que nous partageons toutes trois d’avoir forgé notre culture filmique dans des salles mythiques à Paris, comme Le Champo par exemple. Alors nous qui avons eu cette chance, pourquoi devrions-nous priver les générations actuelles, à Lille, du plaisir de découvrir sur grand écran des films peu ou pas visibles autrement ?

Eh bien voilà, Lille a besoin de son Champo. Lille a besoin d’un cinéma indépendant qui se distingue, qui apporte ce supplément d’âme qu’un multiplexe ne produit guère. J’insiste sur cette dimension d’indépendance. Monsieur le premier adjoint vous ne me désavouerez pas, vous qui avez redit à l’occasion du bilan de mi-mandat – je vous cite – votre « choix de défendre le commerce indépendant, local et de proximité ».

À Lille, pourtant, on en est bien loin en matière de cinéma. C’est comme si on n’avait aucun marché de plein air, mais que des supermarchés. C’est comme si toutes les librairies indépendantes de notre ville avaient été vendues au Furet ou à la FNAC. Le collectif Lille Cinéphile parle d’anomalie, et c’est très juste. Rendez-vous compte : Amiens a ses cinémas St Leu et Orson Welles, Dunkerque a son Studio 43, Tourcoing ses deux salles au Fresnoy, Villeneuve d’Ascq son Méliès, en sus des multiplexes installés dans ces villes. Les lieux indépendants que je viens de citer sont exemplaires et essentiels en cœur de ville pour la diversité culturelle. À Lille, on doit se contenter d’UGC qui, pépère, en situation de monopole, mise sur l’Art & Essai dit porteur.

Un cinéma indépendant, chers collègues, c’est plus qu’un loisir ou un tapis rouge. C’est un endroit où on donne une chance à leur sortie à des films différents, à des cinéastes en devenir, à des rencontres singulières, loin du bling-bling. C’est un endroit où on devient le temps d’un film gangster en Chine, iranienne intrépide ou poète de banlieue. Cette possibilité de pénétrer un monde éloigné, de se glisser dans la peau d’un autre, d’adopter son point de vue, admettez que par les temps qui courent de clivages généralisés, ce n’est pas rien, c’est même essentiel.

En toute logique, notre groupe apporte un vote favorable à cette motion, qui poursuit le débat que nous avons posé il y a un an sur le manque à combler en matière de cinéma dans notre ville. J’ai la faiblesse de croire que la majorité portera une oreille attentive à cette aspiration légitime. Sûrement parce que me viennent à l’esprit tous les acteurs locaux qui n’attendent que ça, ils sont assez nombreux pour que je ne les cite pas, au risque d’en oublier. Mais j’en profite pour remercier l’un de ces acteurs d’avoir programmé vendredi dernier à l’auditorium du Palais des Beaux-Arts une passionnante projection-conférence. Occasion nous était donnée de voir sur grand écran un film mythique, en Blue ray certes, faute de salle équipée, mais tout de même. Pour vous dire la puissance imaginaire du cinéma, nul besoin de vous dire le titre : vous allez voir comment quelques notes, quelle que soit votre génération, vont vous faire venir des images immédiates à l’esprit.

[…]

Quand vous avez le moral dans les chaussettes, prenez le temps de visionner ce film, vous verrez, après ça va tout de suite mieux. Madame la Maire, chers collègues, nous avons besoin à Lille d’une salle permanente qui multiplie ces occasions. Parlons-en. Je vous remercie de votre attention.