Madame, Monsieur, Cher.es collègues,
ce soir plusieurs délibérations nous renvoient à la situation très contrastée du logement à Lille, à la situation de nos quartiers anciens qui échappent, ou échappaient, jusqu’ici aux grandes opérations de renouvellement urbain et autres ZAC sur lesquelles – mais est-il utile de le rappeler ? – notre vision et notre programme politique diffèrent.
Dans le cas présent, nous sommes à la fois heureux et soulagés de voir la mobilisation d’une diversité d’outils, d’un vrai puzzle de dispositifs dont il serait impossible de rendre compte ce soir, au service de la réalité du logement de nos quartiers anciens.
Autrement dit, ce soir, nous pouvons parler d’urbanisme d’une même voix.
Car quoi de plus urgent que de chercher à résoudre les problématiques inextricables du logement dans nos quartiers de Wazemmes et Moulins ?
Quelques chiffres qui donnent le vertige :
- sur ces 2 quartiers, ce sont 657 copropriétés vulnérables – 45 ont été diagnostiquées par la Fabrique des Quartiers dont nous ne dirons jamais assez à quel point ses savoir faire sont au coeur des enjeux de notre ville
- 83 % des copropriétés sont de petite taille à Moulins suite à des divisions, 58 % à Wazemmes, contre 34 % dans le reste de la ville : à Wazemmes et surtout à Moulins, les habitants s’entassent, alors que dans le périmètre d’intervention, sont dénombrés 21 % de logements vacants !
- la part de logement indigne y atteint 6 fois la moyenne sur le reste de la France ! Ce parc potentiellement indigne majoritairement privé est LE logement social DE FAIT pour les ménages fragiles du territoire
- a contrario, les dispositifs proposés sur le territoire semblent étrangement déconnectés des enjeux de nos quartiers : 12 logements, 12 ! ont bénéficié de travaux ces 5 dernières années dans le cadre d’Amelio+ – pourtant la Maison de l’Habitat Durable, coeur de ce réacteur, est située à Wazemmes ! Nous constatons également dans la délibération sur les aides habitat durable qu’aucun propriétaire occupant très modeste ne figure dans les bénéficiaires, même chose au précédent conseil.
- Parce qu’ils ne les connaissent pas, ne savent pas ou ne peuvent pas les mobiliser ? C’est un débat qu’il nous faudra avoir dès que nous aurons pu réaliser le bilan prévu en commission transition et promis par Mme Baderi, que nous remercions par ailleurs pour cet engagement.
A la lecture de cette délibération sur le NPNRU quartiers anciens, nous ne pouvons que partager ce diagnostic : les outils d’urbanisme de la fabrication de la ville sont bien inopérants pour les habitant.es de nos quartiers qui vivent dans ces copropriétés fragiles qui n’ont pas les moyens, qui n’ont pas la gouvernance, voire qui doivent composer avec un propriétaire bailleur qui se désintéresse de leur sort, venus là parce que ces 2 quartiers où il est intéressant d’investir, et parfois bloquants.
Ce qui nous amène à ce dernier constat effarant : 1000 signalements par an et 292 procédures engagées sur ces 2 quartiers par le Service Communal d’Hygiène et de Sécurité, 30 % de son activité pour 15 % des logements de notre ville.
J’espère que celles et ceux qui ont voté et applaudi à l’odieuse loi Kasbarian-Bergé ne s’étrangleront pas face à quelques mesures indispensables. Acquisition par l’Etablissement Public Foncier de 165 logements dans le cadre d’une déclaration d’utilité publique « aménagement », une seconde déclaration d’utilité publique « travaux » pour 26 immeubles de propriétaires bailleurs, substitution des copropriétaires défaillants par la puissance publique pour 25 autres logements.
Remise sur le marché de 20 logements vacants, incitation à la rénovation de 300 logements locatifs touchés par une interdiction de mise en location (étiquettes E, F ou G) ou ciblés par des prescriptions de travaux, 5 restructurations d’immeubles d’habitat avec rez-dechaussée commerciaux (particulièrement rue Jules Guesde)…
Ce sont 360 logements concernés par cette OPAH renouvellement urbain, dispositif auquel s’ajoute un volet « lutte contre l’habitat indigne et très dégradé » pour viser la remise en conformité de 53 logements, ainsi qu’un volet copropriétés dégradées pour 141 logements.
Nous atteindrons donc – si tout va bien – 937 logements rénovés, dignes, et qui ne seront plus des passoires énergétiques d’ici à 2028 (440 au titre de l’ANAH).
Disons-le tout net, ce mixage d’aides et de dispositifs, mêlant incitation et si nécessaire coercition des propriétaires bailleurs bloquants, préfigure le devenir que nous souhaitons pour nos politiques de logement et d’urbanisme de la ville de Lille. Nous voterons avec beaucoup d’enthousiasme, et beaucoup de vigilance, cette délibération.
- Vigilance car le nombre de logements et d’immeubles ne représente qu’une fraction des enjeux de nos quartiers. Car le cas de Fives, qui concentre aussi beaucoup de ces situations, doit trouver des solutions adaptées.
- Vigilance car le rythme de la rénovation se doit de monter en intensité, si nous voulons atteindre les objectifs climatiques de neutralité carbone en 2050. Considérons donc ce dispositif comme un galop d’essai, et prévoyons dès maintenant une évaluation en conseil municipal en 2025 pour lancer des dispositifs correctifs et complémentaires qui nous mettront sur la voie de la rénovation bas carbone des 8700 logements privés de Wazemmes et Moulins à l’horizon 2050.
- Vigilance enfin car l’objectif seuil de moins 35 % d’émissions de gaz à effet de serre pour les logements rénovés doit être dépassé et atteindre un objectif basse consommation. Il y a plus de 10 ans à Condé sur l’Escaut la Cité minière de la solitude était rénovée et atteignait moins 65 %. Nous devons en faire autant, et si possible faire mieux.
L’urgence est bien de concentrer l’ensemble de nos moyens dans de telles politiques de reconquête de notre habitat existant. C’est à cette condition que nous parviendrons à concilier enfin nos objectifs de justice sociale et de justice climatique.
Je vous remercie.