Madame le Maire,
Nous avons déjà exprimé tant en conseil municipal et en commission des remarques à propos du soutien financier de la ville de Lille à la MRES. Pour éviter tout débat ce soir sur ce sujet, nous voterons évidemment cette délibération. Si je prends la parole devant vous ce soir, ce n’est pas tant pour évoquer cette subvention habituelle que pour prendre du recul sur la situation générale des associations de notre ville. En effet, lors d’une conférence de presse qui a eu lieu jeudi dernier, le 26 janvier, le Mouvement Associatif, un groupement associatif qui représente 700 000 associations, a demandé l’abrogation du Contrat d’Engagement Républicain, contrat prévu dans la loi séparatisme de 2021 et qui avait fait beaucoup parler de lui au moment de l’adoption de la loi au Parlement.
Nombre d’associations et de groupements d’associations, ainsi que de représentant.es politiques de gauche, s’étaient alors exprimé.es, anticipant les effets que nous sommes en train de découvrir, c’est-à-dire un droit de regard et de censure de la part de l’Etat sur le travail des associations, et non une vraie lutte contre le séparatisme religieux. C’est bien de censure vis-à-vis de la MRES qu’il s’agit quand ses représentants ont dû subir un rappel à la loi dans l’enceinte de la Préfecture il y a quelques semaines, sous prétexte de non-respect des principes républicains.
Et que dire des cas cités lors de cette conférence de presse des interpellations du Maire de Chalon-sur-Saône, du Maire de Saint-Raphaël, de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, de la Préfecture de Corrèze, ou encore celle de la Vienne, si ce n’est qu’ils se ressemblent dans leur utilisation politique de ce CER pour contester l’action d’associations qui leur déplaisent ? La raison principalement évoquée, et c’était le cas pour la MRES, concerne le risque de trouble à l’ordre public, notion suffisamment vague pour s’en servir arbitrairement.
Par leur liberté dans le choix de leurs actions, les associations sont pourtant au cœur du projet démocratique et de transformation de la société. Si on les contraint, c’est le sens de l’action associative qui est remis en cause. Cette remise en cause est déjà observée. Le risque d’autocensure de la part des associations est grand quand elles craignent de ne pas être subventionnées par les collectivités territoriales sans lesquelles elles ne pourraient pas financer leurs actions. La confiance a priori dont bénéficiaient les associations s’est donc transformée en défiance a priori, et cette défiance aura les conséquences que je viens d’évoquer.
C’est pour cela que les collectivités territoriales doivent défendre les associations de leur territoire vis-à-vis de cette ingérence étatique. Le risque d’autocensure de la part de ces collectivités est d’ailleurs tout aussi présent. Connaissant ces différents exemples, un Maire prendra-t-il le risque de subventionner une association si cela pouvait influencer sa relation – parfois déjà compliquée – avec le Préfet ? Le CER constitue du reste un questionnement de la part de l’Etat sur les subventions attribuées par les collectivités. C’est sa légitimité à financer des actions qui est en cause quand le Préfet de la Vienne demande à la Maire de Poitiers de se faire rembourser la subvention que la Ville a attribuée à l’association Alternatiba, parce que celle-ci a mis en place un atelier de désobéissance civile qui lui déplaît.
La politique associative de ce gouvernement laisse à désirer, tant dans sa conception – les associations sont de fait considérées comme des prestataires qui doivent répondre à des commandes publiques –, que dans les solutions qu’il propose face à la crise dans laquelle se trouve aujourd’hui le monde associatif – des « Assises de la simplification associative » proposées par Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de la vie associative, qui ne constituent qu’un effet d’affichage de plus. C’est pourquoi, et nous ne le répéterons jamais assez, toute atteinte aux libertés associatives est une régression que nous devons combattre et dénoncer avec la plus grande fermeté. Ainsi, nous souhaitons que la Ville de Lille relaie le message porté par le Mouvement Associatif, c’est-à-dire qu’elle interpelle l’Etat en lui demandant elle aussi l’abrogation de ce CER qui s’attaque plus à la liberté associative qu’au fondamentalisme religieux.
Je vous remercie pour votre attention.