Julie Nicolas interroge la vision urbaine globale du secteur des 2 portes et de l’arc sud de la Ville

Mesdames, messieurs, cher.es collègues,

Il y a 15 ans, la ville de Lille avait une ambition : celle de réparer la fracture urbaine qui sépare l’un de ses quartiers les plus populaires du reste de la ville. Celle de reconquérir cette portion de ville coupée en deux par un périphérique qui non seulement coupe notre ville en deux, constitue un obstacle bien réel mais aussi fortement symbolique.

Il y a deux mois, les supporters du Maroc célébraient l’ascension de leur équipe de foot et disaient leur fierté, non pas depuis la Grand’Place, mais depuis la Porte des Postes. Ils et elles investissaient cette zone grise, qui n’est autre qu’un maëlstrom de nœuds routiers et d’espaces publics quasiment absents – tandis que les forces de police coupaient l’accès à l’échangeur pour rentrer dans Lille, rendant presque impossible l’entrée dans Lille. Cette manifestation de joie spontanée sur ce secteur improbable doit nous interpeller aujourd’hui.

D’une part, nous avons donc des usages réels mais sans aménités et sans espaces publics pour les accueillir qui appellent à créer une nouvelle centralité et des espaces publics et de vie au sein de l’arc sud, trop longtemps mis de côté,

Et d’autre part, 10 ans après l’étude sur les 2 portes dont les conclusions étaient enthousiasmantes pour l’avenir de notre ville, l’engagement de nouvelles études pensées pour les mobilités, mais pas pour les autres usages, ni pour les autres besoins.

Il y a 10 ans, nous étudions la requalification de l’échangeur et la couverture du périphérique, les différents types de franchissement, depuis la passerelle jusqu’à la couverture totale de Concorde à la Porte de Douai.

Il y a 10 ans il était question de nouveaux espaces publics majeurs à Lille Sud, d’un parc linéaire sur milieu humide pour le protéger et le valoriser, d’une réserve écologique, d’un prolongement du Jardin des Plantes vers la Porte d’Arras, de nouveaux accès à l’est du jardin et vers les margueritois.

Il y a 10 ans nous avions un projet de gare multimodale en lieu et place de la Cité Administrative et couvrant partiellement le périphérique, la promesse d’un Palais Omnisport à la place de l’étendue de béton du parking de Décathlon, d’un tramway qui reconnecterait le sud de Lille à son centre.

Seul le devenir des 50 000 m² des anciennes barres Marcel Bertrand était en suspens.

Et patatras. D’autres priorités ont pris le pas, cette belle vision n’est plus.

Le Décathlon, le projet du Pathé préemptent l’intérêt général.

Le tramway ne connectera le centre-ville qu’à la condition de basculer sur un autre mode de transport, le projet de gare TER devient une simple halte ferroviaire

Et la Porte des Postes restera probablement le point d’attache de nombreux Lillois, mais ne sera qu’un espace de transition dédié aux mobilités.

Nous écologistes, continuons de défendre la nécessité d’une vision prospective de l’avenir. Nous aurions voulu que l’État y contribue, a minima en prenant en charge une part conséquente des plus de 7 millions d’euros que coûteront les travaux de voirie et du parvis rendus nécessaires par l’implantation de la Cité Administrative.

Prendre à bras le corps le sujet des mobilités sur ce secteur est plus qu’une nécessité, c’est une urgence. En cela nous sommes d’accord avec l’objectif de cette délibération.

Là où nous divergeons, c’est sur le renoncement qu’elle pourrait porter à un véritable projet d’ensemble et à une politique de reconquête de nos espaces publics, de nos espaces verts et de notre biodiversité – alors même que nous devons racheter des terrains urbanisés dans le quartier de Moulins pour les transformer en ces poches de verdure cruellement manquantes dans nos quartiers trop éloignés de la Citadelle pour en profiter.

Nous voterons donc cette délibération mais avec plusieurs demandes et remarques pour anticiper un avenir dans lequel l’État assumerait son rôle de gestionnaire de l’A25 et les conséquences de la nouvelle Cité Administrative :

  • la première demande porte sur le fait d’inclure toutes les mobilités dans ces études : il y a bien sûr la place centrale des mobilités actives, celle des Lillois.es et celles des salarié.es, mais aussi la question tout aussi centrale du transport de marchandises. La tendance actuelle est à l’explosion du nombre de livraisons et de colis en tous genres, du nombre d’entrepreneurs qui prennent en charge les besoins des Lillois.es et de nos entreprises. Nous avons besoin d’un hub qui prenne en charge ces flux et les redirige vers des modes doux mutualisés, un hub complémentaire au CMDU pour que ces flux aient la possibilité de migrer du routier (voire du frêt?) vers des modes doux, et pourquoi pas le tramway aussi.
  • La seconde demande porte sur l’engagement d’une étude de programmation qui garantisse que l’on ne préempte pas les possibles d’une couverture du périphérique sur le secteur des 2 portes, à étudier des aménagements transitoires pour les Lillois.es et pour la Nature, à garantir que chaque projet soit compatible avec la possibilité d’une ville qui, un jour, ne serait plus scindée en deux par le périphérique. Car cette possibilité doit absolument être maintenue pour les décennies à venir et nous appelons à ce que ce conseil municipal puisse abriter un débat global sur le devenir de l’arc sud et de l’arc nord de Lille pour nous projeter ensemble sur un avenir où Lille ne serait plus étouffée par la route.
  • Notre 3ème demande porte enfin sur le devenir de l’actuelle Cité Administrative, dont nous constatons aujourd’hui le délabrement et la dangerosité des façades. Nous appelons à ce que l’État prenne en charge une part des travaux futurs pour les usages de demain, et compense ainsi une part des 7 millions du coût de voirie liés à la nouvelle Cité Administrative. Nous renouvelons notre vœux d’une cité inter-générationnelle au cœur de la ville, pour combler les manques de logements étudiants, de logements services pour les seniors, de logements très sociaux, de services publics de la petite enfance. L’idéal serait une cession après travaux de l’actuelle cité par l’État au CROUS et à d’autres services publics, une cession qui échappe aux intérêts privés des loyers prime et rende un peu de notre centre-ville à celles et ceux qui ont de plus en plus de difficultés à y accéder.

Je vous remercie.