Madame le Maire, mes cher.e.s collègues,
Avis favorable, sans réserves ni recommandations.
Cela a été répété à l’envie (et encore à l’instant) depuis la publication de l’avis du commissaire enquêteur suite à une enquête publique, qui certains l’oublieraient presque, ne portait non pas sur l’entièreté du projet, ni donc sur son intérêt général, mais exclusivement sur l’enjeu de l’eau, sur les moyens techniques réunis pour creuser cette fosse de plongée, sur l’exactitude des données fournies sur la nappe, l’enjeu de la ressource en eau.
Commençons donc par nous pencher sur ce sujet avant d’extrapoler le sens de cet avis du commissaire enquêteur.
Pas de réserves, pas de recommandations. Formellement, il est vrai que cette partie de l’avis est vide. Cependant ailleurs dans cet avis, le commissaire enquêteur dit beaucoup de choses toutes aussi intéressantes. Je vous en livre quelques extraits :
« Ne faudrait-il pas mieux conserver la piscine Max Dormoy avec ses activités sur la Deûle, et créer plus d’espaces verts à la place d’une piscine neuve ? » OU « il est légitime de s’interroger sur la vulnérabilité de ces nappes à la pollution. »
Un fait que souligne aussi l’Autorité Environnementale, décidément une bande de dangereux gauchistes, qui souligne dans son avis actualisé que « aucune conclusion n’est présentée, en particulier sur la disponibilité de la ressource et sur le traitement des eaux usées » à propos duquel, quelque part dans le dossier d’enquête publique il est affirmé que les capacités de la station d’épuration de Marquette sont suffisantes. Curieusement, sans plus de justification technique ou chiffrée.
Quant-aux besoins en eau, ils sont sous évalués selon l’ensemble des expertises et avis :
- selon l’Agence Régionale de Santé qui rappelle que 30 litres par baigneur est insuffisant et qu’il en faudrait 50, ce qui remet en cause tous les calculs présentés,
- selon l’Autorité Environnementale
- ou encore selon la Commission Locale de l’Eau qui appelle à démontrer la sobriété de la nouvelle piscine et de sa fosse de plongée et rappelle les tensions quantitatives sur cette ressource – une tension qui constitue l’une des principales vulnérabilités de notre territoire, comment l’oublier après l’été que nous avons vécu ?
Tout cela nous amène à un excédent de consommation par rapport à la situation actuelle, sans assurance que l’eau d’une fosse de plongée ne viendra pas gréver d’autres besoins, essentiels aujourd’hui, probablement vitaux demain.
Mais puisqu’il a été décidé d’enjamber une enquête publique sur l’intérêt général du projet (ce qui ne constitue en aucun cas l’avis du commissaire enquêteur), c’est bien cette question de l’adéquation de ce projet aux enjeux climatiques et de santé de demain dont il est question.
Vous écrivez dans cette délibération que « l’intérêt général du projet de ZAC Saint Sauveur a été réaffirmé à l’occasion (du jugement du 14 octobre 2021) ». Curieuse interprétation d’une décision de justice, quand cette même justice a relevé des inexactitudes, des insuffisances en matière de qualité de l’air et de circulation routière, des omissions et insuffisances sur la piscine et les impacts du projet sur l’eau et les nappes.
Parfois, souvent, les désirs des aménageurs dépassent les réalités. Et notamment les réalités des lillois.es, une réalité faite d’injustices qu’ils connaissent en matière de droit à la santé et de droit à un environnement sain.
Cela reste le point qui nous sépare et qui différencie, radicalement, notre conception de l’écologie et d’une écologie sociale. Il n’est plus possible d’ignorer plus longtemps ces inégalités. Il n’est plus possible d’ignorer que chaque décision qui concentre à chaque fois un peu plus les activités et les bâtiments sur Lille nous éloigne de l’espoir d’une ville plus respirable, d’une ville qui ne soit pas le foyer de cancers, d’asthme, de maladies pulmonaires, de détresses respiratoires, de mal être. Nos cancers sont politiques. Les habitants ne nous disent pas autre chose, du boulevard de Belfort à la Porte de Valenciennes, de la rue de Cambrai à la Porte d’Arras.
Nos cancers sont politiques et c’est aujourd’hui, pas demain, que nous devons balayer les dogmes du passé, y compris ceux d’une conception des enjeux environnementaux dépassé par les connaissances d’aujourd’hui. C’est aujourd’hui, pas demain, que nous devons remédier aux effets des décisions d’hier. Nous n’avons pas le temps de changer notre manière de faire, l’urgence est là, sous nos yeux, dans les témoignages des habitants.
La ville, pour être résiliente demain, doit se faire avec et pour ses habitants. Définitivement pas contre. Comme eux, nous devons voir et reconnaître pour ce qu’elles sont les alertes des chiffres sur la pollution de l’air, les dépassements de seuils obsolètes, les alertes de l’OMS sur la pollution de l’air et les maladies chroniques, les alertes sur le réchauffement de la ville et ses effets sur les organismes, les températures irrespirables déjà cet été et qui le seront de plus en plus souvent dans les années à venir.
Les données scientifiques et les chiffres sont irréfutables. L’Agence Régionale de Santé l’écrit noir sur blanc : « il est évident que ce projet impactera encore plus la qualité de l’air de Lille et aura une influence négative sur la santé humaine ».
Nos cancers sont politiques. C’est aujourd’hui encore plus inacceptable que la précipitation pour passer en force un projet dépassé nous amène à ré-interprêter un jugement de justice, et à ignorer le dialogue avec la population au point de ne pas concerter sur l’intérêt général du projet.
A n’en pas douter et si nous ne changeons pas de braquet, ce dialogue se fera sur les bancs de prétoires, par avocats interposés, l’un devant s’appuyer sur une défense rendue incertaine par la réalité des faits et des connaissances, l’autre fort des avis de l’ARS, de l’Autorité Environnementale, de la Commission Locale de l’Eau et du SAGE (un document opposable) et enfin d’une expertise citoyenne qui nous dit : comment osez-vous ?
Disons le, ce projet aura contribué à faire émerger un groupe immense de citoyens experts, et chaque rebondissement de ce dossier n’aura fait que renforcer cette expertise, et accroître sa légitimité. Mais nous devons mettre un terme à ce dialogue de prétoires qui remplace l’écoute et la prise en compte des avis citoyens.
Il y a 2 ans, il y a un an après le jugement du tribunal administratif, une sortie de crise par le haut était possible. Il suffisait de rebattre les cartes. Il vous suffit de décider de rebattre les cartes, de mener une vraie concertation, avec les moyens mobilisés pour le Peuple Belge, dans les prochains mois. De concerter pleinement, et d’accepter les recommandations et le projet qui en ressortirait. La fracture serait ainsi résorbée et nous ferions un pas de géant pour la santé des lillois et la résilience de notre ville.
Je vous remercie.