Pour Nathalie Sedou, il faut que tous les partenaires soient impliqué·es pour faire du plan de sobriété un succès !

Madame le Maire, mes cher.e.s collègues,

Plusieurs délibérations nous offrent l’occasion ce soir de revenir sur le plan de sobriété énergétique de la ville. Nous avons avec ce plan une double satisfaction, avec aussi des réserves, et une proposition.

Double satisfaction pourquoi ? D’abord, il a tellement fallu se battre pour avancer sur le sujet, qu’il est heureux de voir enfin sur le devant de la scène le sujet de la sobriété énergétique. Ensuite, nombre d’actions de ce plan sont des prolongements ou renforcements de dispositifs initiés et portés lors des mandats précédents par des élus Verts. Je pense notamment aux correspondants énergie et à la politique d’éclairage public. Il y a une démarche pleinement appropriée par les services depuis des années, que vous consolidez. Il serait absurde de ne pas l’admettre et le saluer.

La ville de Lille adopte ce plan dans l’esprit de contribuer à la mobilisation nationale qui anticipe les grandes difficultés du réseau électrique à supporter la demande, si l’hiver se révèle rude. D’ailleurs, on ne va pas se leurrer, ce sont d’abord les circonstances qui ont conduit le gouvernement à tenir enfin un discours de sobriété.

Sur ce point, Madame la première adjointe, nous avons un grand point d’accord. Vous nous avez fort justement invités la semaine dernière à dépasser la dimension conjoncturelle des mesures actuelles de sobriété, pour revendiquer leur nécessité structurelle. C’était en introduction à la journée des Temporelles.

Pour nous écologistes, cette conviction-là ne date pas d’aujourd’hui. C’était déjà tout le propos du rapport Meadows publié en 1972, il y a tout juste 50 ans, Madame la première adjointe vous n’étiez pas née ! Ce rapport, c’est notre socle idéologique. Il avait fait grand bruit, puis a été moqué et en partie oublié. Depuis dix ans, on revient car ses prévisions se sont révélées justes. Pendant 50 ans, l’exploitation débridée des ressources planétaires, pourtant limitées, s’est poursuivie. Elle a provoqué d’immenses dégradations, avec des conséquences sociales incalculables. On en est là aujourd’hui. L’enjeu est désormais démocratique car la seule façon de faire face est de mener des politiques publiques combinées de sobriété, et pour qu’elle soit acceptée, de partage des richesses. Car le niveau d’effort à produire est considérable.

Et c’est là que viennent nos divergences. Nous n’avons pas forcément la même vision de la hauteur de la marche et de la méthode pour l’atteindre. Nos réserves sur votre plan de sobriété tiennent à ces deux aspects. Certaines actions sont symboliques mais modestes sur leur efficience. Surtout, les modes de concertation et de décisions nous paraissent parfois obscurs. Les courriers que tous les membres du conseil municipal ont reçus, les différents collectifs présents ce soir devant l’hôtel de ville avec force barrières pour les accueillir témoignent de la difficulté à mener l’exercice d’une politique globale et partagée de transition écologique.

Quand elles sont contradictoires et menées de façon assez isolée, ces politiques suscitent trop de ressentiment et d’incompréhension pour être efficientes. Le seul exemple de la serre équatoriale est signifiant. Dans le dossier de presse il est seulement question de mener des études sur l’arrêt du chauffage, mais ce qui est relayé est une fermeture pure et simple, sans qu’aient été associées à la décision les parties prenantes. Et comment expliquer ce soir la pertinence énergétique d’un tel choix quand vous défendez en même temps la construction d’un bassin nordique à St Sauveur, c’est-à-dire de l’eau chauffée à l’extérieur en hiver. In fine, où est la sobriété ?

Alors j’en viens pour terminer à notre proposition. Parce que nous sommes bien convaincus de la gravité des enjeux, nous sommes persuadés de notre capacité à surmonter nos divergences – tout comme vous certainement, et là je m’adresse à l’ensemble du conseil. Plusieurs villes mettent en place des instances pour mettre autour de la table toutes les parties prenantes, y compris les groupes politiques n’appartenant pas à la majorité. La qualité du dialogue, la confrontation des points de vue qui permet d’aboutir à la délibération collective sont des étapes qui exigent un soin tout particulier pour parvenir à des mesures inédites de sobriété. Il y a bientôt deux ans dans un contexte sanitaire inédit, nous vous proposions « ensemble face à la crise ». La crise énergétique que nous traversons, d’une ampleur quasiment sans précédent, nous amène à renouveler un changement de méthode. Mobiliser l’ensemble des groupes politiques représentés ou non sans le beffroi, des acteurs Lillois.

Nous avons en plus la chance de ne pas être contraints immédiatement, et même de faire des économies avec ce plan. Le contexte est favorable, mais les mécontentements sont déjà là.

Alors il importe d’avoir ceci à l’esprit ce soir : la situation de la ville est pour l’instant relativement confortable. À la différence d’autres communes qui renouvellent en ce moment leur marché de fourniture d’énergie ou subissent une forte variabilité des tarifs. Pour ces communes, la sobriété énergétique est déjà un impératif drastique. Il se trouve que j’assistais hier et avant-hier aux rencontres des territoires à énergie positive, où Sylvain Godinot, adjoint à la transition écologique et au patrimoine, parlait pour la ville de Lyon, d’une facture d’énergie de 20 millions d’euros risquant de passer en quelques heures non plus à 40 millions mais 60 millions d’euros. En tant qu’institution, nous n’en sommes pas encore là, mais des particuliers, des organismes, des entreprises de notre ville sont déjà concernés par une hausse significative de leur facture à venir. Ce serait une erreur de ne pas en tenir compte.

La signature de la charte EcoWatt est bienvenue, les contrats de sobriété évoqués dans d’autres délibérations sont bienvenus. C’est une pierre à un édifice déjà fragilisé par les contestations. Il nous appartient de faire perdurer le débat sur la sobriété en lui donnant plus de consistance. La mise en place d’une instance municipale pourrait y contribuer.

Et ce n’est pas négligeable à l’heure où les tensions géopolitiques s’accroissent, à l’heure où le discours gouvernemental concentre l’effort à produire sur les comportements individuels. Car ce faisant, il renforce l’idée que sobriété vaut pénitence.

J’intervenais hier dans un atelier dédié à la sobriété justement, aux côtés du maire de Muttersholzt, une commune alsacienne qui se fait remarquer par son sens du dialogue et son avance (l’administration municipale produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme). Il disait une belle chose : « la sobriété, ce n’est pas antinomique d’une certaine prospérité ». Comptez sur nous pour appuyer les décisions difficiles quand elles sont cohérentes, car certaines difficultés peuvent amener de grandes satisfactions. Notre groupe espère que vous entendez les différents appels au dialogue qui s’expriment ce soir.

Je vous remercie.