Stéphane Baly sur le voeu déposé par Lille Verte : pour un tracé alternatif du tramway lillois pour une justice sociale et écologique !

Madame le Maire,
Mes chers collègues,
Vous avez déposé mardi une contribution au titre de la ville de Lille à la concertation préalable. Contrairement aux autres communes, cette contribution n’a pas été débattue en conseil municipal. Cette contribution est donc celle au choix de la maire de Lille, de l’adjoint aux mobilités ou encore du groupe Lille en commun mais celle nullement du conseil municipal de Lille. Le voeu proposé ce soir est donc l’occasion d’y remédier !

Pour commencer, permettez-moi de citer un extrait du rapport du GIEC publié en début de semaine : « Les stratégies permettant aux villes établies de réaliser d’importantes économies d’émissions de GES comprennent le soutien aux transports non motorisés (par exemple, la marche, le vélo) et les transports en commun »

Voilà qui tombe à pic, nous sortons d’un mois et demi de concertation préalable métropolitaine sur les nouvelles lignes de transports en commun issues du SDIT.
Si aucune de ces lignes ne sera sortie de terre en 2025 – et on peut le regretter car le sujet est sur la table depuis 20 ans -, il s’agit d’une opportunité rêvée dont il faut se saisir.
Une opportunité pour une hausse significative de l’utilisation des transports en commun performants
Une opportunité pour réduire drastiquement la place dévolue à la voiture.

Venons en au projet soumis à la concertation. Nous partageons l’objectif de desservir les quartiers populaires. Oui, il faut un transport en commun performant qui desservent le quartier de concorde et celui de Lille-Sud.

Évidemment, tout le monde doit avoir accès à une mobilité durable. C’est une question de justice sociale qui est primordiale.

Mais Madame le Maire, où vont ces habitantes et habitants lorsqu’ils se déplacent ?
Desservir ces quartiers est primordial. Emmener ses habitants là où ils ont besoin de se rendre est tout aussi important !

Prendre un train, assister à un concert, aller au cinéma, faire des courses, se rendre à la parade d’ouverture de la saison Utopia, et que sais-je encore : c’est au coeur de Lille que ces habitants ont fréquemment besoin de se rendre sans avoir à effectuer une correspondance comme c’est le cas aujourd’hui.

Cette zone ultra-dense a été écartée du tracé du tramway « Lille et sa couronne », alors que la desserte est la proposition de loin la plus plébiscitée lors de la concertation.
Cette absence est donc incompréhensible. Si l’on veut desservir les quartiers populaires, évitons de ne leur donner comme seule destination directe, la périphérie de la Ville.
Incompréhensible car desservir le centre-ville, c’est aussi inciter les catégories sociales les plus aisées de Lille et de sa métropole qui se rendent dans le centre-ville lillois en voiture, à délaisser cette dernière et prendre les transports en commun. Sortons les ménages aisés de leurs voitures et nos poumons s’en porteront bien mieux.

Cette incompréhension provient aussi de la divergence de constat sur l’offre actuelle. Cette semaine, la voix du Nord rapportait votre diagnostic. Je cite « Il y a déjà des Lianes qui fonctionnent bien. On ne voit pas quelle valeur ajoutée cette ligne de tram apporterait, ni quels nouveaux flux elle pourrait capter. »
Ce propos est sûrement pas celui d’un usager des Lianes. Fréquence de bus de 10min en heures de pointes et régularité aléatoire, notre collègue Jérémie Crepel qui prend la liane 1 au quotidien pourrait en témoigner si vous le souhaitez ! Et surtout ces propos reviennent à considérer que les habitudes de transports de 2035 seraient donc celles de 2022 !

Oui, nous devons anticiper les 600 000 à 700 000 déplacements quotidiens supplémentaires à l’horizon 2035 au niveau de la MEL et dont on sait pertinemment que Lille va en absorber une partie importante.

Oui, nous avons besoin d’un tramway qui dessert la 15ème gare la plus fréquentée de France et l’une destinations principales pour de nombreux métropolitains.

Oui, nous devons desservir Lille Flandres car 400 mètres depuis Lille Europe, c’est illisible et 5 minutes de marche à bonne allure, autant vous dire que ça en découragera plus d’un.

Oui, les milliers d’habitants de Moulins et de Wazemmes écartés de toute réflexion d’un transport en commun performant à moins de 500 mètres de chez eux doivent être considérés.

Alors sans être exhaustif, Madame la Maire, chers collègues, je vous propose un voyage d’études pour observer les aménagements choisis dans les grandes villes de France. Avec une première halte à Nantes, nous observerions le cours des 50 otages. Puis à Montpellier place de la comédie, vous constateriez qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre un tramway et une circulation piétonne intense. Et nous irions enfin sur le cours d’Argonne à Bordeaux, où circule un tramway le long d’une voie de circulation sur la même largeur de voirie que la rue d’Isly.

Madame la Maire de Lille. En 2018 vous déclariez, je cite « les dernières réalisations de tramways en France n’ont pas toutes tenu leurs promesses ». Sans avoir pu trouver les études à l’origine de cette affirmation, je crains malheureusement qu’elle puisse s’avérer exacte avec certains tracés lillois soumis à la concertation préalable. Les tramways sont des moyens lourds et nécessitent des flux importants : c’est pourquoi il importe de desservir les zones denses génératrices de flux incluant évidemment le centre-ville et les gares. On ne fait pas un tramway à 850 M€ pour qu’il reste vide ! Si ces lignes ne convainquent pas suffisamment de personnes habitant Lille et la métropole à se passer de leur voiture, les objectifs de report modal ne seront pas atteint.

Alors ce soir, nous vous proposons que la Ville appelle la MEL à ajouter une variante qui traverserait Lille depuis Porte d’Arras jusqu’à Lille Flandres. En fait, nous demandons juste à l’assistant à maître d’ouvrage Egis de reprendre les études sur le sujet. Études interrompues à votre demande juste avant la concertation préalable !

Ensuite, le passage le long de la Deûle dessert surtout… le long de la Deûle dont l’avenir des projets immobiliers est plus qu’incertain et au-delà de 2038. Nous proposons donc de privilégier une desserte plus efficace par la rue d’Isly et le boulevard Vauban qui desservirait plus d’habitations, un important pôle de facultés.

Dans un contexte d’urgence, climatique, sanitaire et sociale, nous, décideurs publics, devons accompagner et faciliter la transformation des modes de vie. La véritable question ce soir, Madame le Maire c’est de savoir dans quelle mesure êtes vous réellement prête à accompagner ce changement pour les décennies à venir ?