Mesdames et messieurs, chers collègues,
incontestablement en 2022 une stratégie sur le commerce sans parler des darks stores, darks kitchens, drives piétons et autres concepts sans clients, sans tables ou sans salariés, aurait été incomplète.
Pour traiter du sujet, il ne faut donc pas moins d’une délibération, mais aussi deux vœux différents. Je vous entends vous gratter la tête. De quoi s’agit-il ? D’un alignement des planètes ? D’une nouvelle turpitude de votre boîte mail ?
Est-ce que cela pourrait être la marque d’un début de dialogue entre la majorité et l’opposition renaissant après le loupé de la présentation à la presse de la stratégie commerce 2 jours avant son adoption ?
Malheureusement rien de tout cela.
Pourquoi cet embouteillage de vœux ?
Lundi, 48h avant la fin du délai, nous envoyons un vœu en projet, et faisons la proposition de l’intégrer sous forme d’amendements dans la stratégie commerce qui traite également des dark store.
Mercredi : pas de réponse. M. Deslandes n’a pas le temps, il a une réunion. Mais en réalité, il écrit son propre contre-voeu. Parce qu’il a dit au Figaro que la ville allait s’attaquer fortement au dark store ; il ne pouvait donc laisser passer un vœu écologiste mieux disant sur le sujet : surtout ne risquons pas de donner raison aux écolos.
Revenons à notre motion – celle de Lille Verte, dont il ne vous aura sûrement pas échappé qu’elle s’attache à dessiner de nombreuses pistes pour l’action publique.
Je voudrais en premier lieu attirer votre attention sur les constats – des constats qui, il y a quelques mois seulement relevaient d’un futur encore imaginaire, mais qui se déroule bel et bien sous nos yeux. Il y a quelques mois, les magasins sans caisse étaient encore un concept sans réalité (de même que leurs exacts opposés nés ces dernières semaines, les bla bla caisses, qui rendraient la grande distribution presque sympathique).
De même, les dark stores et leur promesse de livraison en 10 mn ne sont qu’une nouveauté très récente.
Depuis plusieurs mois, c’est avec l’appui de deux chercheurs universitaires, dont l’un a pour spécialité l’urbanisme commercial et l’autre le numérique et le commerce, de l’Université du Mans,
c’est grâce à un travail entamé cet automne avec eux, qu’il nous a été possible de penser ensemble ces constats, les risques pour notre société, le droit du travail, le cadre de vie, ou encore l’obsolescence programmée de nombre de ces implantations champignon, et les solutions à activer.
Ces universitaires sont formels : Lille vient d’entrer dans une période de concurrence acharnée et totalement dérégulée, va connaître des implantations par dizaine, pour qu’à la fin, dans 2 ou 3 ans seulement, il n’en reste que quelques uns – les plus rentables.
Avec quels effets résiduels ? Des rues sans identité ? Des hausses de loyer ? Toujours plus de personnes actives sans même un contrat de travail ?
La question est donc : quels sont les leviers que nous pouvons mobiliser, dès maintenant ?
1/ Nous pouvons nous engager, dès maintenant et pendant que nous sommes en pleine phase de rédaction du futur PLU et de ses règles qui sont autant de possibilités de réguler, localement, les implantations, voire de décider d’une stratégie gagnante numérique et commerce qui se couplerait aux enjeux de la logistique du dernier kilomètre. S’il y a un avantage à devoir refaire le PLU à chaque mandat, c’est bien celui-là : profitons-en !
2/ Nous avons aussi besoin de questionner tous les autres outils à notre disposition : les autorisations d’urbanisme quand l’occasion s’en présente, et surtout la gestion des espaces publics. Nous ne voulons plus que les livreurs uberisés continuent de parcourir nos rues sans même des espaces pour s’asseoir ou se restaurer entre deux courses, recharger leur téléphone ? Nous devons dès maintenant lutter contre la saturation, les impacts sur l’espace public des nombreux drive piétons – pas si piétons – que nous avons déjà ?
Et enfin, bien sûr, et là dessus nous sommes d’accords, nous avons besoin d’une réglementation nationale. Les dark store et dark kitchen, les drive piétons doivent entrer dans des régimes d’autorisation préalable.
Mais nous ne pouvons pas pour autant, nous contenter de renvoyer la responsabilité à l’État et baisser les bras en prétendant ne pouvoir faire autrement, en réalité plutôt ne pas savoir ou ne pas vouloir.
Car ces deux universitaires – qui ont longuement travaillé sur le sujet – n’attendent qu’une chose depuis le début des années 2000 et de la bulle internet : que les pouvoirs publics locaux s’emparent enfin du sujet du numérique, en tirent le meilleur et cessent de le subir.
Voici, pour conclure, le sens, et la portée de ce vœu dont il ne vous aura pas échappé chers collègues, qu’il est plus large, plus réfléchi et plus responsable, en plus d’être antérieur à celui de la majorité qui a refusé de jouer le jeu démocratique des amendements et nous démontre une nouvelle fois qu’elle a une conception bien particulière du dialogue.
Je vous remercie.