Madame la Maire,
Mes chère.es collègues,
Une année s’est écoulée depuis notre premier débat d’orientations budgétaires de ce mandat, dont l’objectif principal était de donner la trajectoire mais aussi le coup d’envoi des politiques publiques à Lille. Je remercie ma collègue Stéphanie Bocquet qui était intervenue sur ce sujet et avait souligné la position inchangée de notre groupe : Mener et réussir la transition écologique pour la justice sociale de notre ville, c’est ce que les lilloises et les lillois attendent aujourd’hui. Et pour cela, il nous faut nous assurer que les réalisations ne soient pas ralenties par des actions contradictoires. Vous comprendrez donc que la cohérence est un spectre essentiel de notre analyse de ce deuxième rapport d’orientations budgétaires que vous nous présentez ce soir.
Un deuxième rapport qui vient à la fois nous informer des évolutions connues sur l’année 2021 et nous donner une idée des investissements réalisés pour l’année 2022. Nous sommes bien évidemment conscients, que ce rapport vient clore un chapitre particulier, celui de l’année 2021. La crise Covid a mis et met toujours, nos façons de vivre ensemble, de travailler, de nous engager à rude épreuve. Permettez-moi donc de remercier chaleureusement au nom du groupe Lille Verte, ces agentes et agents municipaux qui ont largement contribué à ce que les missions de la Ville de Lille perdurent durablement, et ce malgré les confinements successifs et les conditions de travail perturbées. Merci aussi pour la qualité de ce rapport et des débats en commission, qui ont été éclairants, et je regrette encore une fois que nous n’ayons pas de vrais compte-rendu des commissions qui gardent une trace de ces débats.
Un débat d’orientation budgétaire c’est d’abord un débat d’orientation politique : Que voulons-nous faire ? Comme première orientation, vous fixez des objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre progressive pour atteindre une neutralité carbone en 2050, ce qui implique donc un projet politique de transition écologique de grande ampleur. Mais mesurez-vous bien l’ampleur de cette ambition et les moyens nécessaires pour y arriver. A la lecture de ce rapport, comme hier de votre plan climat, nous ne le pensons pas.
Examinons d’abord, la dette de la ville et d’abord, sur nos emprunts. Le rapport mentionne un emprunt vert de 5 millions réalisé en 2020 auprès de la Banque des territoires et deux emprunts verts en cours de négociation : 4M€ à la NEF et 10M€ à la Banque des Territoires. Nous saluons évidemment l’importance que prennent les prêts verts dans vos emprunts et nous faisons le vœu de continuer sur cette belle lancée. Nous aurions aimé que le rapport mette davantage en évidence le choix de ne plus faire d’emprunt auprès des banques qui investissent dans les énergies fossiles.
Mais – mis à part les emprunts – quelles informations sur les autres services bancaires dont use notre collectivité ? Aucune. Au regard de l’urgence climatique, dont nous parlerons plus amplement ce soir avec notre vœu sur le traité de non-prolifération des énergies fossiles, il est crucial que les collectivités ne placent pas leurs argents dans des banques qui financent des projets climaticides. Madame la maire, le travail a bien commencé mais il est urgent que nous nous procédions à la décarbonation totale de nos services financiers.
Voyons ensuite la trajectoire d’investissement que vous prévoyez pour l’année 2022, des investissements de 115M€ sur le papier, mais dont vous prévoyez que seulement 90M€ qui seront effectivement réalisés. Investissements que vous comptez mettre en œuvre grâce à l’épargne nette mais aussi en ayant recours à l’emprunt.
En effet, tout au long de ce rapport, la situation financière de la ville y est décrite comme saine, vertueuse ou encore exemplaire, du fait d’une capacité de désendettement qui baisse et continuera de baisser en 2022 avec une projection à 5,8 ans en 2022, bien en deçà du plafond recommandé des 12 années, d’une épargne nette qui augmente de 9M€ en 2021. Vous effectuez ces emprunts à taux fixe dans un contexte de taux d’intérêts bas, une situation exceptionnelle mais qui s’ancre durablement depuis quelques années maintenant et qui a vocation à perdurer.
Que fait donc la ville alors qu’elle a une situation financière saine et que les taux d’intérêts sont historiquement bas ? Elle se désendette et évite le recours à l’emprunt. Ce serait bien entendu une sage politique si les besoins d’investissements dans l’atténuation de notre empreinte carbone et dans l’adaptation de notre ville au changement climatique n’étaient pas colossaux. Sans parler des besoins sociaux. Nous vivons tout de même une crise sanitaire depuis deux ans dont les conséquences sur l’emploi, la précarité, la santé, le bien-vivre ensemble sont importantes voir désastreuses.
Et que fait donc la ville face aux multiples crises que nous traversions ? Elle épargne et se désendette. Alors, au regard de cette équation, nous avons plusieurs questions : pourquoi la Ville se désendette en valeur absolue en 2021 et poursuit cette trajectoire en 2022 ? Pourquoi n’emprunte-t-elle pas plus ?
La réponse de votre adjointe au budget à notre question en commission ce fut « nous pourrions emprunter plus , mais nous n’avons pas la capacité, en ressources humaines de mener ces investissements. » J’en arrive donc aux dépenses de fonctionnements et d’abord au personnel.
En 2020, ce personnel municipal était composé de 4275 personnes. En 2021, nous constatons une augmentation de 99 agents sur l’effectif total. Nous l’avions exprimé au budget primitif de 2021. Nous regrettons que l’ augmentation des effectifs concerne seulement la police municipale. Oui ces recrutements sont nécessaires. Les caméras que vous avez installées ne remplaceront jamais les moyens humains, mais cet unique recrutement envoie un message malvenu aux autres secteurs en besoin.
Aujourd’hui, nous sommes satisfaits que l’arrivée de 25 policiers soit également accompagnée d’un dispositif de déprécarisation de 74 postes dans le secteur éducatif. Nous l’avions salué en juin dernier. Mais pour le reste, vous ne comptez que sur le redéploiement des moyens humains, à la faveur, par exemple, de départs en retraites. Cela sera-t-il suffisant pour faire face aux besoins de l’urgence sociale et climatique ?
Ce que nous aurions voulu lire, c’est votre stratégie, pour accompagner, avec des moyens humains, la transition écologique de notre ville sur les enjeux sociaux, démocratiques et environnementaux. Nous avons eu écho de vos recrutements finalisés ou en cours au sein de cette nouvelle direction créée qu’est l’équipe transition écologique au sein de la direction générale, pilotée par Madame Caroline LUCATS et qui compte lorsque je regarde aujourd’hui l’annuaire, 13 agentes et agents.
Nous sommes surpris que vous ne mettiez pas la création de cette équipe, en avant dans ce ROB, c’est pourtant un changement RH louable. Ce que vous mettez en avant, c’est l’évolution soutenable ou encore maitrisée des dépenses de personnel. Vous agissez là encore en gestionnaire au lieu de mettre en place des recrutements volontaristes. Madame la Maire, face au défi climatique, nous n’avons pas besoin de gestionnaires, nous avons besoin de visionnaires. A notre sens, la priorité est plutôt celle de mettre l’accent sur le fait de se donner les moyens humains pour mener et réussir la transition écologique qu’attendent les habitantes et habitants de notre ville, plutôt qu’à épargner sur les frais de fonctionnements pour se désendetter. Certes, nous avons lu l’article de médiacité pointant l’importance de nos dépenses de personnelles, mais nous savons que ces ratios n’ont de sens qu’à périmètre de service constant, et nous savons aussi ce que les économies de personnel – à l’hôpital par exemple – peuvent produire. Il n’y aura pas de transition sans embauches et c’est précisément ce que nous regrettons dans les orientations données.
Or ce manque de volontarisme, nous le retrouvons sur les opérations. Ainsi, quand vous évoquez la nature en ville et promettez la création ou la rénovation de 90 ha d’espace verts, l’ambition peut être faible ou forte selon le curseur mis sur la rénovation d’espaces verts existants ou la création. Ce qui compte c’est le nombre de nouveaux ha d’espaces verts que vous serez capables d’offrir aux Lilloises et aux lillois d’ici la fin du mandat.
Sur les mobilités et la voirie, quand je lis – je cite : « nous nous attachons à la végétalisation, au partage de l’espace favorisant les mobilités actives » ou encore « des mesures d’encouragement aux mobilités durables, pistes cyclables, arceaux et box à vélos, et une régulation optimisée du stationnement, … » je ne lis pas la révolution des mobilités dont nous avons besoin face à la pollution et au dérèglement climatique. Combien de pistes cyclables – des vraies pistes cyclables séparées de la circulation – allez-vous mettre en place l’année prochaine ? On ne construira pas un « Réseau express Vélo » avec de simples bandes cyclables sur lesquelles s’arrêtent les automobilistes inciviles, et qui s’interrompent à chaque carrefour.
Madame la maire, il ne suffit pas d’afficher des ambitions, il faut se donner les moyens de les atteindre. Face au défi climatique et à la crise sociale, nous ne pouvons pas nous permettre d’être petit bras. Nous ne prétendons pas que vous ne faites rien mais à la lecture de ce ROB, nous ne voyons pas comment vous comptez réussir face aux multiples défis qui nous attendent.
Nous attendons donc un budget 2022 avec un plan clair pour augmenter les ressources humaines au service de la transition, et notamment de personnel nécessaire à la mise en œuvre des investissements, un budget de fonctionnement à la hausse pour soutenir les associations et les besoins de la transition, le recours à l’emprunt pour des investissements importants dans la transition écologique.