Jérémie Crépel intervient sur le compte administratif de l’année 2020

Madame la maire, chers collègues,

Nous examinons aujourd’hui le compte administratif de l’année 2020 qui relate l’exécution du budget 2020 que le groupe écologiste, qui faisait alors partie de la majorité, avait voté. Une exécution quelque peu affectée par la crise du Covid qui a perturbé nos recettes et notre fonctionnement, et accru les besoins sanitaires et sociaux.

Vous y avez adjoint l’analyse climatique de nos dépenses ainsi que le rapport sur le développement durable, un éclairage louable, et nous proposez une affectation de l’excédent réalisé.

La bonne nouvelle de ce Compte administratif, que nous voterons favorablement, c’est que les finances de la ville ont su résister à cette période hors normes, notamment grâce à la bonne gestion du mandat précédent. Sur le plan des recettes, on peut noter une baisse de 30% du produit du service des domaines. Celle-ci est compensée par une légère hausse des rentrées fiscales et surtout de la hausse des dotations dues à la compensation de la taxe d’habitation. Cela amène deux remarques :

– Nous attendons de l’état la pérennisation de cette compensation, alors que nous avons perdu en 2020 celle de la réforme de la taxe professionnelle.

– Nous remarquons la forte baisse (2,5 millions) due au Covid des recettes liées au Casino, que les écologistes ont toujours combattu. La dépendance à cette recette n’est pas bonne pour la ville.

Sur le plan des dépenses, les dépenses supplémentaires liées au Covid s’élèvent à 16 millions. Elles sont justifiées et nous les avons soutenues, notamment celles liées au soutien du monde associatif, du monde économique ou au Centres Communaux d’Actions Sociales de nos trois communes.

Cependant, ces dépenses supplémentaires sont compensées par la baisse d’autres dépenses, soit grâce à la baisse de la charge de la dette, soit en raison des actions annulées à cause du Covid, ainsi qu’une légère baisse de la masse salariale. A ce propos, notons que le taux de réalisation demeure stable malgré une petite baisse côté investissements. Nous en profitons pour saluer et remercier l’engagement des agents qui ont tenu bon pour réaliser leurs missions malgré la crise et le télétravail mis en oeuvre dans des conditions difficiles.

Vous mentionnez les difficultés à recruter de nouveau agents dans cette période. Nous voulons bien vous croire, mais nous souhaiterions du volontarisme dans la période qui s’ouvre, ce qui ne semble pas être le cas. J’y reviendrai sur le budget supplémentaire.

Sur l’analyse climatique du budget, je vous remercie de nous avoir envoyé l’ensemble des diaporamas présentés en commission ce qui nous donne un peu plus de détail. Cependant, nous réitérons notre demande d’accéder à l’analyse ligne par ligne dans un souci de transparence démocratique. Ce serait la moindre des choses ! Ce que nous pouvons déjà dire, c’est qu’un gros travail est à faire sur l’achat de véhicules thermiques, sur l’équipement informatique, mais aussi pour aller au-delà du simple respect des normes dans la construction et de débétonniser Lille afin d’atténuer les ilots de chaleur.

Il faudrait aussi ouvrir enfin le chantier de nos partenaires bancaires. Qui détient nos actifs?
D’après le compte administratif, « 8,46 % auprès de la Caisse d’Epargne, 10,54 % auprès du Crédit Agricole, 8,03 % auprès de la Société Générale ».

Or, d’après le rapport Oxfam de 2018 : « En 2018, les émissions de gaz à effet de serre issues des activités de financement et d’investissement des quatre principales banques françaises – BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et Banque Populaire Caisse d’Epargne – dans le secteur des énergies fossiles ont atteint plus de 2 milliards de tonnes équivalent CO2, soit 4,5 fois les émissions de la France cette même année. ». Si nous voulons travailler en faveur du climat, nous ne pouvons continuer à travailler avec des banques qui investissent dans les énergies fossiles.

Vous faîtes d’ailleurs le choix de ne pas classer ces emprunts dans la partie défavorable de votre analyse climatique mais en indéfini. Nous avons échangé là-dessus en commission municipale : vous nous avez indiqué lors des commissions municipales, classer en indéfini ce que vous ne pouviez pas changer sous prétexte que ce sont des choix, VOS choix, datant d’il y a dix ans. Comme les emprunts effectués auprès de certaines banques, j’y reviendrai. Cela nous semble contre-productif. La partie défavorable ne doit pas seulement concerner ce que vous estimez pouvoir changer mais bien concerner ce qui est effectivement défavorable au climat et assumer les conséquences des choix qui ont été faits précédemment. Ne cachons pas ces emprunts sous de l’indéfini car il s’agit bien de dépenses défavorables au climat.

Le rapport sur le développement durable fait le bilan des efforts déjà réalisés par la ville. C’est donc aussi en grande partie notre bilan et j’en profite pour saluer l’action de Lise Daleux sur la nature en ville et la biodiversité, de Stéphane Baly sur l’énergie (et avant lui Philippe Tostain), de Michel Ifri sur les cantines scolaires avec le bio et les repas végétariens, ainsi que de Vinciane Faber et Anne Mikolajczak sur le développement du vélo.

Mais vous y évoquez aussi l’engagement « Ville Bas carbone. » et le Pacte Ville Bas Carbone
Sur les bâtiments et les constructions, une importante source d’émission de gaz à effet de serre, vous estimez être bons élèves. Pourtant, les éléments du budget climatique montrent que nous pourrions être davantage exigeants pour aller au-delà des simples normes.

Sur l’énergie ou les matériaux, là encore, vous vous contentez du réglementaire ou de simples études, sans engagement précis, alors que des villes comme Bordeaux vont plus loin avec des éléments chiffrés, et scientifiquement vérifiables.

Enfin sur l’adaptation au changement climatique, Lille n’impose que 30% de pleine terre dans les nouveaux aménagements quand ailleurs beaucoup de zones du PLU sont à 40%, y compris encore une fois, dans la ville de Bordeaux. Comment osez-vous d’ailleurs vanter l’aménagement des rives de la Haute Deule avec l’urbanisation d ‘une partie de l’ilot Boschetti ? Demain, la bétonisation de saint-Sauveur sera-t-elle aussi saluée dans votre rapport DD ?

Que dire enfin de la méthode avec la signature du Pacte Lille Bas Carbone dix jours avant le conseil municipal, sans aucune trace de concertation préalable, au mépris des objectifs d’implication citoyenne que vous vantez dans le rapport Développement durable. Vous l’avez compris, ce décalage entre les discours et le manque d’ambition des actes nous conduira à nous abstenir sur la délibération du Pacte Lille Bas Carbonne.

Venons-en enfin au Budget supplémentaire qui souffre le même manque d’ambition.

La crise Covid a montré que lorsqu’il y a urgence, les moyens humains et financiers peuvent être mobilisés.

Il y a une autre urgence qui plane au-dessus de nous et ce depuis des décennies, c’est l’urgence climatique et sociale. Imaginons ce que l’on pourrait faire en débloquant autant en si peu de temps pour offrir aux Lillois.es une réelle protection face à la hausse des températures, face à la pollution qui tue déjà, pour héberger toutes les personnes qui dorment dehors sous la neige en hiver et en pleine canicule en été. C’est une question de choix.

Lors du vote du budget, nous vous demandions d’utiliser les marges de manœuvre qui pourraient se dégager au soutien aux associations, et au recrutement de fonctionnaires municipaux pour accélérer la transition. Certes, nous saluons l’augmentation du budget du bio et le plan de déprécarisation des agents. Mais l’essentiel des marges de manœuvres dégagées par le compte administratif, vous l’affectez… à la réduction de la dette. Tout cela manque encore une fois cruellement d’ambition.

C’est pourquoi nous voterons contre ce budget supplémentaire, comme nous avons voté, pour les mêmes raisons, contre le budget 2021.

Jérémie Crépel, conseiller municipal Lille Verte