Ce soir, il nous est proposé de voter l’application de la réforme des 1607 heures, portant sur le temps de travail des agents de la Ville de Lille.
La loi Dussopt établit que le temps de travail effectif des agents de la fonction publique soit homogène et identique à celle du privé. Précisément, cela implique de passer le temps de travail annuel pour notre personnel municipal de 1519 heures à 1607 heures.
Alors disons le franchement, nous partageons votre opposition à cette loi de transformation de la fonction publique qui oblige les comités techniques à remettre en cause les accords obtenus par la négociation depuis des années. Les 35 heures à la mairie de Lille date des contrats de solidarité voulu par et sous le gouvernement Mauroy.
Pour Lille Verte, la loi Dussopt c’est non.
Non à cette réforme, qui traduit un projet de société qui n’est pas le nôtre : une société où il faudrait travailler toujours plus, sans bénéfice ni pour l’emploi, ni pour le climat.
Dans notre projet, la réduction du temps de travail est un outil essentiel pour une réelle transition écologique et solidaire.
Les études sont unanimes :
Une baisse du temps de travail a un impact majeur sur les émissions de carbone et contribuerait à répondre à l’urgence climatique. Une récente étude britannique chiffre le passage à la semaine de 4 jours à une baisse de 20 % des émissions de CO2 pour le pays.
Également, il s’agit d’une opportunité d’amélioration pour le bien-être : plus de temps pour soi et pour celles et ceux qui nous entourent. Créer du lien, renforcer l’existant, c’est aussi ça, faire société.
Enfin, dans un contexte critique de chômage que connaît notre pays, réduire le temps de travail hebdomadaire est une solution pour le partager.
Nous ne défendons pas une société qui sépare les personnes, entre celles qui ont beaucoup trop de travail et celles qui n’en ont pas du tout. La réforme proposée ce soir est incompatible avec tous les enjeux que je viens de rapporter.
Vous aviez jusque-là l’opportunité d’offrir aux agents des jours supplémentaires de congés cette opportunité a été confisquée sans débat, sans prendre en compte le sens de l’histoire.
C’est même la porte ouverte à plus de régressions. La loi vous prive de marges de manœuvres.
Il se trouve que cette réforme s’inscrit dans un contexte déjà éprouvant avec la crise sanitaire. A ce titre, nous remercions l’ensemble des agents en télétravail et en présentiel d’avoir assuré la continuité des services publics dans une telle situation de crise.
Nous savons bien que cette loi vous est imposée.
Cependant, il existait plusieurs façons de faire. Disons le, il y a eu des opportunités manquées. La première, c’est de n’avoir pas engagé il y a des années une réflexion de fond sur l’organisation du temps de travail. Pour une ancienne ministre qui a mis en place les 35 heures, c’est tout de même dommage. C’est aussi la raison pour laquelle nous souhaitons nous exprimer ce soir sur certains points majeurs:
– Premièrement, en matière de concertation, nous avons été très surpris de recevoir un bulletin annonçant les modalités de la réforme comme si elles étaient actées, deux semaines avant le comité technique paritaire. C’est faire peu de considération pour cet organe consultatif essentiel !
– Deuxièmement, nous faisons le constat qu’un seul syndicat a voté pour, deux se sont abstenus et un quatrième a voté contre en comité technique la proposition que vous nous soumettez ce soir.
Cela démontre qu’il n’est pas aisé de mener un processus de négociation sur une mesure de régression sociale.
Cela nous indique aussi que, vous n’avez certainement pas épuisé toutes les voies de la négociation afin de rechercher un accord le plus large possible.
Un processus de négociation qui aboutit à l’adhésion d’une seule organisation n’est pas suffisant pour permettre une adhésion par l’ensemble des agents de notre collectivité. Il aurait été nécessaire de rechercher coûte que coûte un accord majoritaire comme cela existe dans le privé depuis plusieurs années et comme cela est aujourd’hui reconnu dans la fonction publique par l’ordonnance du 17 février 2021.
Force est de constater que vous avez échoué. Je le dis sans nullement ignorer les difficultés rencontrées par mes collègues écologistes en responsabilité dans d’autres villes en France.
Vous auriez pu utiliser davantage les quelques marges de manœuvre qui vous étaient laissées : Vous avez retenu l’idée de sujétions qui prend en compte la pénibilité de certains métiers ou missions, c’est un bon choix mais vous vous limitez à 5 jours maximum de congés supplémentaires en cas de sujétions.
D’après les termes de votre Adjoint aux Ressources Humains exprimés en commission : « il faut bien fixer une limite ». La Ville de Paris autorise quant à elle jusqu’à 21 jours de congés supplémentaires en cas de sujétions. Cette différence est conséquente et nous regrettons que vous ayez fait le choix du strict minimum.
– Vous proposez une journée de congé d’utilité collective, la ville et la Métropole de Rennes ont retenu 3,5 jours spécifiques : solidarité, développement personnel, temps collectifs.
Mais également :
- Nous aurions souhaité que le sujet de l’égalité homme/femme soit pris en compte dans l’application de cette réforme. Une grande majorité du personnel en temps partiel sont des agentes.
- Nous déplorons que la question du télétravail et que les différents aménagements en faveur de sa mise en place ne soit pas entrés en considération. Le bulletin que nous avons reçu précise que la réforme est compatible avec le télétravail comme s’il s’agissait d’un bonus. Cela en dit long sur votre vision du télétravail qui est plus qu’un bonus, c’est une organisation globale du travail. 5
L’application de cette regrettable réforme était l’opportunité de réfléchir avec les agents et agentes sur leurs conditions et organisations de travail suite aux changements sans précédents rencontrés cette dernière année. Vous avez profité de l’application de la réforme pour introduire enfin les RTT à la ville, tout en excluant les agents catégorie A à temps partiel. Force est de constater que vous n’avez pas du tout saisi cette opportunité pour ouvrir des négociations sur l’égalité égalité femme/homme et sur le télétravail.
Nous avons le sentiment que des choix plus avantageux auraient pu être faits afin de limiter le recul social que représente cette réforme. et pour réellement œuvrer à une organisation du temps de travail bénéfique tant pour les agents que pour la qualité du service public rendu aux lilloises et lillois.
Le groupe Lille Verte opposé à ce projet de société et estimant que nous aurions pu faire autrement votera donc contre cette délibération.
Stéphane Baly, co-président Lille Verte