Madame le maire,
Madame la conseillère déléguée aux finances,
Mesdames messieurs,
Mes chers collègues,
Ce rapport d’orientation budgétaire s’inscrit dans un contexte budgétaire dégradé par
rapport à l’année dernière. L’inflation portée par la hausse du coût de l’énergie, la hausse
du point d’indice et la hausse des taux d’intérêts rendent l’exercice bien plus complexe et
personne ne peut le nier. Ce contexte est renforcé par certaines décisions de l’État. Tout
d’abord, l’État a refusé d’étendre le bouclier tarifaire aux collectivités, les laissant
piégées au libre jeu d’un marché énergétique dérégulé et erratique. Puis, l’État a décidé
en 2022 une augmentation du point d’indice des fonctionnaires. Une décision bien
entendu nécessaire et qui apparaît indispensable pour 2023, mais effectuée sans grande
concertation avec les collectivités ni sans compensation.
Or, la suppression de la taxe d’habitation a réduit l’autonomie fiscale des communes, les
rendant dépendantes des transferts de l’État. Dans ce contexte, le comble est bien
évidemment le spectre des « contrats de confiance », qui sont un véritable retour des
« contrats de Cahors », c’est-à-dire que l’État impose l’austérité aux collectivités, avec la
perspective d’une évolution des dépenses de fonctionnement inférieures à l’inflation.
Cette austérité imposée par l’Etat est contraire à l’esprit de la décentralisation, alors que
les besoins sont énormes pour la transition écologique dans les villes. La baisse
tendancielle des dépenses de fonctionnement induirait nécessairement une réduction
du service rendu aux habitants.
Dans ce contexte, une nouvelle année s’achève, et avec elle nos espoirs de voir se réaliser
les objectifs que nous avions énoncés lors de notre intervention sur le rapport
d’orientation budgétaire de 2021. Voici mot pour mot la fin de notre intervention de
l’année passée : « Nous attendons donc un budget 2022 avec un plan clair pour
augmenter les ressources humaines au service de la transition, et notamment de
personnel nécessaire à la mise en œuvre des investissements, un budget de
fonctionnement à la hausse pour soutenir les associations et les besoins de la transition,
le recours à l’emprunt pour des investissements importants dans la transition
écologique. »
Force est de constater que ce ROB ne marque pas un changement de cap par rapport à
la première moitié du mandat. La politique d’investissements massifs dans la transition
écologique se fait toujours attendre, alors qu’elle est plus que jamais nécessaire dans le
contexte actuel de sobriété qui impose des économies d’énergie qui ne se feront qu’en
accompagnant la rénovation thermique des bâtiments. C’est dans ce sens que nous vous
avions encouragé.es à emprunter plus quand les taux directeurs étaient au plus bas, ce
que vous n’avez malheureusement pas consenti à faire. En 2022, les dépenses
d’investissements ont globalement stagné par rapport à 2021 à 75 millions, loin de la
moyenne de 90 millions d’investissement réalisé entre 2008 et 2014. Nous pouvons
douter que la ville atteigne les 120 millions d’investissement réalisé par an dans les
prochaines années.
Si ce nouveau contexte se maintient sans soutien de l’État, nous reviendrons au vieux
proverbe, « gouverner c’est choisir », l’heure est venue des choix et des arbitrages,
parfois douloureux.
Dans ce contexte, nous regrettons que les investissements vertueux d’un point de vue
écologique ne soient pas plus clairement priorisés dans ce ROB, c’est-à-dire que les
investissements ne soient pas décidés en priorité selon l’impact environnemental qu’ils
produisent, mais aussi des économies de fonctionnement qu’ils peuvent entraîner par la
suite. Si nous avions des doutes, l’heure est aujourd’hui à l’entretien du patrimoine
municipal, pour le rendre plus économe.
Si ces critères étaient opérants, certains des projets qui vous tiennent pourtant à coeur
seraient jugés obsolètes, comme le bassin nordique prévu pour Saint-Sauveur dont
l’absence d’intérêt – et même l’effet néfaste – sur l’environnement empêcherait que de
l’argent public soit ainsi investi. D’autres projets dont les montants d’investissements
sont élevés comme le projet pour l’avenue du Peuple Belge voient leur réalisation
s’éloigner. La votation a créé des attentes non budgétées, donc non réalisables et qui
créeront de fait une incompréhension chez nos concitoyennes et concitoyens.
Dans un contexte budgétaire contraint, la question de l’urbanisme transitoire redevient
centrale pour transformer la ville au plus vite, le covid a montré qu’avec peu de moyens
on peut transformer l’espace public.
Par ailleurs, nous avons constaté à la lecture de ce ROB que vos engagements en faveur
de la transition écologique sont bien vacillants quand la conjoncture économique se
détériore, et que vous avez ainsi consenti à emprunter 5 millions d’euros au Crédit
agricole, banque dont les activités climaticides ne sont plus à démontrer, tant dans ses
financements de projets fossiles que dans ceux contribuant à la déforestation de
l’Amazonie. Nous ne pouvons que le regretter.
Dans ce contexte d’arbitrage, nous craignons que les associations lilloises soient
sacrifiées. En effet, nous comprenons que leur budget n’a pas baissé depuis le début du
mandat, ce qui semble a priori louable. Mais comment le comprendre autrement qu’une
baisse effective de leur budget étant donné l’importance de l’inflation qui frôle les 5% en
moyenne sur l’année en France ? Délibération après délibération, ce sont des
subventions à l’euro près qui sont la plupart du temps votées, ce qui entraînera
inéluctablement des suppressions d’emploi dans les associations et une réduction du
service qu’elles apportent aux Lilloises et Lillois.
Pour finir, je me ferai l’écho d’un récent article de la voix du Nord qui s’inquiétait pour le
prochain budget de la ville. En 2023, la dégradation de notre capacité d’épargne et les
augmentations de taux induisent une dégradation mécanique de notre capacité de
désendettement, passant de 5.9 à 8.5 années. Pour l’instant, la situation n’est pas en soi
inquiétante mais pourrait le devenir si la situation se maintient. Dans un contexte où
l’État n’est pas un partenaire fiable, peu de perspectives satisfaisantes s’offrent à
nous pour 2024 : laisser filer la dette à un niveau qui pourrait s’avérer peu soutenable,
réduire l’investissement pourtant indispensable pour la transition, réduire les dépenses
de fonctionnement donc le service aux habitants, augmenter les tarifs municipaux ou les
impôts…
Je vous remercie pour votre attention.