Consultation sur l’avenue du peuple belge : à question mal posée, réponse bancale. 52% des Lilloises et Lillois y veulent de l’eau!

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Madame la Maire, chers collègues,
C’est de saison, alors je vais rendre hommage à René Dumont, et lever ce verre – d’eau – à votre santé. Puisqu’il s’agit ce soir de valider les résultats de la consultation, je vous propose dans un premier temps de regarder ce verre à moitié vide. Puis à moitié plein, histoire de finir sur une note positive.
Pour ce qui est du verre à moitié vide…

Primo, l’organisation de cette consultation a coûté au bas mot 300.000€. Sans compter le temps passé par les services depuis le projet initial de remise en eau qui avait abouti à un marché jamais notifié, ce qui avait coûté à la MEL en 20 ?? 1,2 millions d’euros de compensation. On regrette qu’à côté de tous ces moyens, aucune réunion publique n’a été consentie pour faire vivre un débat contradictoire et argumenté. Les éléments d’information étaient succincts, ressentis comme orientés, sans moyen de laisser un commentaire en retour. Rien n’indiquait que les images n’étaient pas contractuelles. Seul devant son écran, on pouvait seulement cliquer sur l’un des 4 boutons.

Secondo, le scénario 1 – le parc – que vous proposez de retenir – a recueilli 3909 votes, soit 27% des suffrages exprimés. Mais si on prend un peu de recul, on constate que cela représente 3% du corps électoral, et même pas 2% 1de la population lilloise de plus de 15 ans. A titre de comparaison, la remise en eau partielle et la remise en eau totale ont obtenu chacun 26% soit un écart minime entre les trois options. D’aucuns disent d’ailleurs que le retour de l’eau, partielle ou totale, a obtenu 52% des suffrages.
Évidemment, on comprend que vous ayez choisi de retenir la règle du premier arrivé, même à peu de voix. De ce point de vue, c’est juste, le scénario 1 est gagnant. Mais sa très courte victoire avec un mode de scrutin qui écarte le principe majoritaire, le rend fragile d’entrée.

Tertio, cette consultation exceptionnelle a été diversement appréciée, parce qu’exceptionnelle justement. Dans des quartiers éloignés, elle a pu renforcer le sentiment d’une différence de traitement entre, schématiquement, « quartiers riches et quartiers pauvres ». Prenons garde à ce type d’opposition stérile qui crée un sentiment de déséquilibre entre quartiers.

Mais regardons maintenant le verre à moitié plein :
D’abord, 11% du corps électoral ayant participé, c’est tout de même honorable. Nous l’admettons volontiers : si nous voulons une démocratie vivante, cela nécessite d’y mettre les moyens.
Second point positif, ce sont les enseignements qu’on peut tirer de cette consultation large et visible. D’évidence, elle mériterait d’être adoptée pour tous les grands projets urbains, comme vous le disiez vous-même Mme Aubry en conférence de presse à la présentation des résultats. Il semble que nous tombons désormais d’accord sur la nécessité d’aller chercher massivement l’avis de la population dès qu’on prévoit une transformation majeure de l’espace public.

A ce titre, il est dommage d’avoir limité strictement aux riverains la consultation sur la rue du Molinel et la rue Solférino. Mais vous pouvez encore vous rattraper sur la transformation de la friche St Sauveur qui mériterait les mêmes égards que l’avenue du Peuple Belge. De la même façon, il y a matière à reconsidérer le projet initial car les temps ont changé.

De plus, si les débats se sont tenus pour l’essentiel dans le cadre familial et amical, des contributions publiques ont amené des précisions et de la nuance. Je pense en premier lieu à celle de Renaissance du Lille Ancien, mais également celle du Club gagnant, ou encore la nôtre. Peut-être, chers collègues de la majorité, convaincus du fait démocratique, avez-vous pris la peine de lire les quelques pages que nous avons produites. Le débat sur le fond aurait pu, et pourrait encore avoir lieu entre nous. De même nous serions très preneurs des contributions du CCC et du CME qui méritent d’être rendues publiques comme les autres.

Enfin, et surtout, grand point d’intérêt : puisque aucun scénario ne se détache nettement, vous avez l’option de laisser se poursuivre le débat qui a commencé sur la place de l’eau à Lille, bien sûr à partir de cette envie de parc qui s’est manifestée, sans surprise pour nous.

La forme de la consultation a donné l’impression que vous donniez le choix entre faire du paddle pour 60 millions d’euros ou du toboggan pour 25 millions. Avec la chaleur et la sécheresse précoces de ce printemps, il est vain de s’en tenir à la dimension récréative et commerciale de la transformation de l’avenue. Ce n’est pas pour rien que je faisais référence à René Dumont. Et j’en veux pour preuve aussi ce formidable livret produit par la ville de Lille il y a quelques années. C’est le fruit du travail combiné des services municipaux du patrimoine et du développement durable. Il semble que vous n’en avez pas tenu compte au moment de donner forme à la consultation. Et c’est bien dommage, car l’ambition de la ville était déjà affirmée page 36, je cite :
« Développer la présence de l’eau et de la nature en ville est donc une orientation prioritaire pour adapter la ville aux dérèglements climatiques ».

Je voudrais croire Madame la Maire que c’est votre credo. Pas seulement parce que c’est imprimé dans un document officiel de la ville, mais parce que vous l’avez dit en conférence de presse : « il y aura peut-être de l’eau autrement ». C’est exactement l’idée que nous allons continuer de défendre.
Si vous aviez pris en compte dès le départ cette orientation étayée, il est probable que la question aurait été mieux posée. Mais voilà : à question mal posée, vous avez obtenu une réponse bancale.
Dans les faits, rien ne vous oblige à une application rigide de ce résultat. Pourtant, telle que formulée, c’est ce que dit cette délibération, traduisant une certaine incompréhension des enjeux climatiques, d’îlots de fraicheur et d’espace public.

Ce qui m’amène à conclure qu’un verre à moitié plein est par définition à moitié vide. Conscient des avancées et des limites de l’exercice, notre groupe s’abstiendra donc sur cette délibération. Il s’abstiendra, par égard pour les 52% qui ont voté pour la remise en eau. Et – j’insiste – parce qu’il est complètement absurde d’opposer remise en eau et parc arboré.
Aussi, je remplis mon verre, avec le souhait que l’eau vive de la Basse Deûle coule de nouveau en surface, non pas à l’ancienne ce qui en effrayé plus d’un, on le comprend, mais sous une forme respectueuse des enjeux climatiques et de biodiversité. En tenant compte de l’aspiration à plus de nature, et du fait que nous sommes situés en coeur de ville.

Bien entendu, nous suivrons avec enthousiasme la concertation à venir, et restons évidemment disponibles auprès de votre majorité et du nouveau président de conseil de quartier qui hérite d’un beau dossier. Afin de poursuivre le débat qui s’est esquissé, laissez-moi pour finir vous remettre ce livret qui je l’espère nourrira de belles discussions. Je vous remercie de votre attention.