Budget 2022 : la Ville de Lille ne se donne pas les moyens pour les ambitions affichées, pour Jérémie Crepel, c’est non ! 

Jérémie Crépel, Conseiller Municipal

Madame la Maire,
Cher·es collègues,

Lors du débat sur le rapport d’orientation, nous vous avons exhorté à davantage de volontarisme pour mener à bien les objectifs que vous affi-chez. Vous nous présentez ce soir le budget primitif pour cette nouvelle an-née 2022. Autant vous le dire toute suite : nous sommes déçus.

Mais laissez-moi d’abord remercier, votre équipe ainsi que les ser-vices de la Ville des efforts réalisés pour rendre ce budget lisible : une tâche compliquée mais essentielle, parce qu’un budget traduit vos choix politiques. Alors, certes, les priorités que vous déclarez semblent concorder avec le projet écologiste.

Le choix de ne pas toucher à la fiscalité au regard du contexte de crise actuel. Crise sanitaire mais pas seulement : envolée des factures d’électricité, des prix du carburant : les Français et Françaises paient l’irresponsabilité du gouvernement sur les transformations de nos modes de déplacements, et de nos consommations énergétiques. Nous nous félicitons donc que les Lillois et Lilloises ne subissent pas en plus l’augmentation de leurs impôts fonciers.

Le choix de poursuivre et d‘affiner la méthode autour du budget climatique qui doit être une boussole sur les chantiers à prioriser pour réduire l’empreinte carbone de la Ville.
Nous ne nous étions pas trompé en vous demandant de le créer, il s’agit là d’un véritable levier de nos changements de pratiques.

Le choix ensuite, d’afficher un niveau d’investissement élevé, en augmentation par rapport au budget primitif 2021 ainsi que des dé-penses par politiques municipales C’est bien. A condition que ces augmen-tations ne soient pas un trompe-l’oeil.

Vous annoncez par exemple 45 millions d’euros à la métamorphose paysagère afin de « végétaliser et requalifier des espaces verts existants ». Mais quelle part de végétalisation et quelle part de requalification, quand vous vous obstinez sur le projet de saint sauveur, quand vous sacrifiez la plaine Winston Churchill et sa zone humide, quand vous allez décerner un permis d’aménager sur le Metropolitan square avec ses constructions dé-mesurées de parkings et de bureaux. On en vient à se demander vraiment à quoi va être dédié une telle somme, vu le peu d’espaces verts restant dans notre ville. A de petites forêts urbaines de consolation ?

Sur le bio, nous saluons l’investissement supplémentaire de 700 000€. Nous sommes intervenus plusieurs fois en 2021 pour vous demander comment vous allez passer à 50 % de bio en valeur avec les marchés publics précédemment passés ? Espérons que nous réussirons à éviter le green washing des marchés « à haute teneur environnementale ».

Au-delà de ces écueils et imprécisions, nous craignons un problème plus structurel.
Ce qui est ennuyeux, c’est qu’une partie importante des 115 millions d’euros d’investissements de 2022 est la conséquence du report de cer-taines opérations prévues en 2021. Plus ennuyeux encore, une partie des reports d’investissements de 2021 ne seront même pas réalisés en 2022.

Évoquons par exemple, les équipements culturels et sportifs : report de la rénovation des halles A et B de la gare Saint Sauveur, report de la ré-novation de la salle des sports Ducroquet à Lille-Centre, en espérant que ces travaux démarrent bien en 2022, démarrage des travaux de la salle des sports St Sauveur décalé à fin 2023 et de la piscine Fives-Hellemmes au printemps 2025 ! Certes, vous avez invoqué des raisons techniques. Mais comment accepter un tel décalage pour que Fives et Hellemmes puisse en-fin bénéficier d’une nouvelle piscine ?

Ce retard est d’autant plus regrettable que Lille ne compte que trois piscines pour 232 000 habitants et que ces trois piscines sont dans un état inquiétant. L’an dernier vous avez mis 150 000€ pour des travaux de main-tenance pour la piscine Marx Dormoy. Cette année, vous devez mettre 700 000€ sur la table ! Combien de temps va-t-on faire des investissements de pansements ? Alors oui, nous direz vous, nous refusons le projet d’aménagement sur saint-sauveur qui comprend une piscine. Encore une fois : ce n’est pas une piscine que nous refusons mais un projet démesuré avec ses m² de bureaux et de parkings supplémentaires qui sacrifie encore une fois un espace vert pour les habitants. Votre entetement, c’est la double peine pour les lillois : coûteux pour les lillois et équipement obsolète.

Alors, qu’est ce qui nous empêche réellement d’accélérer le dévelop-pement des équipements sportifs de notre ville en lançant un véritable PPI du sport ? Qu’est-ce qui nous empêche de mieux valoriser nos équipements culturels, plutôt que de dépenser 1,4 millions d’euros pour une éphémère Utopia ? Qu’est-ce qui nous empêche d’accélérer davantage les investis-sements de la transition énergétique ? Le manque de ressources humaines.

Lors du débat sur le rapport d’orientations budgétaires, il est bien ap-paru que le niveau d’investissement n’était pas tant limité par le recours à l’emprunt que par les capacités humaines de conduire les projets munici-paux. Ainsi, comprenez que ce que nous aimerions voir de votre part ce sont des recrutements volontaristes conséquents au sein de la Ville. Vous me répondrez que vous avez embauché 25 policiers municipaux et dé pré-carisé 74 postes – évidemment nous sommes favorables à ce type de me-sure, mais je le redis : il n’y aura pas de transition sans embauches.

D’autres acteurs qui jouent un rôle primordial dans nos quartiers, ce sont les associations. Vous indiquez que les subventions aux associations sont en hausse de 1,5 % de BP à BP. Mais ajoutons l’inflation et l’on se rend compte qu’encore une fois cette hausse est en trompe l’oeil. Ensuite, vous vous félicitez de retrouver un niveau d’avant crise sanitaire. Madame le Maire, la crise sanitaire est-elle terminée ? Nous n’en avons pas l’impression. Ne serait-ce donc pas le moment d’accentuer votre soutien aux associations qui oeuvrent dans notre ville pour pallier aux manques des politiques publiques de solidarité, d’insertion, de culture, de sport…

La dernière fois, vous nous avez accusé·es d’être frustré·es de ne pas tenir les manettes de la ville. Eh bien oui ! Nous le sommes, quand nous voyons que ce que vous faites des fameuses manettes que vous avez dans les mains ! Bien peu, en comparaisons des immenses besoins des urgences sociales et environnementales.

Madame la maire, pour faire face à la précarité grandissante dans notre ville, pour contribuer à la transition énergétique du bâti lillois, pour améliorer le bien-être des Lillois et Lilloises, pour créer – oui créer – des lieux de nature en ville, pour accroître les déplacements doux, pour soute-nir l’économie lilloise, nous ne pouvons nous permettre ni les effets d’annonces, ni les demi-mesures.
Madame la maire, nous ne sommes toujours pas convaincus que vous vous donniez les moyens des ambitions affichées, et c’est pour cela que nous ne voterons pas ce budget.