[Suite à cette intervention, Martine Aubry affirme ne jamais avoir reçu d’acompte de la part de l’Etat dans le cadre d’une projet CTAIR pour la Ville de Lille. Des vérifications de la part de notre groupe sont en cours. En attendant, il est bien précisé qu’un projet CTAIR est en cours pour la ville de Lille, sur le site de la délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés. Comme précisé dans l’intervention ci-dessous, Lille Verte fait le vœu que ce contrat soit mené jusqu’au bout. ]
Chers collègues,
Il y a deux mois, ici même, nous évoquions le sauvetage d’exilés en Méditerranée. Désormais, nous avons tous en tête le sort de 27 personnes noyées le 24 novembre dernier dans la Manche, et dont les corps ont été découverts par des pêcheurs avec effroi. De nouveau, comme il y a 6 ans avec ce petit garçon syrien trouvé mort sur une plage turque, un drame de l’exil, plus visible ou saisissant que d’autres, vient bousculer les consciences.
Dans un moment comme celui-là, on ne peut s’empêcher de lire le vœu présenté ce soir comme une tentative désespérée de sauver les soldats Macron, Darmanin, Dupont-Moretti, sans oublier la ministre Marlène Schiappa. En effet leurs propos qui se sont succédé depuis le naufrage, donnent la nausée : faux étonnement devant les méthodes d’expulsion des campements du littoral, rejet de la responsabilité sur les passeurs ou un salarié licencié, jeux de langage où les biens confisqués deviennent « biens abandonnés », où les expulsions sont qualifiées de « départ », et comble du cynisme : fausses accusations de migrants prêts à jeter des bébés à l’eau. A part la démission du ministre de l’intérieur, nous ne voyons pas ce qui pourrait sauver l’honneur de ce gouvernement.
Il y a de quoi frémir devant cette incapacité à questionner son propre aveuglement et sa férocité envers les personnes étrangères qui cherchent refuge en Europe. Leurs rêves d’un avenir meilleur ne sont plus ici qu’infractions administratives, voire pénales. Le harcèlement continuel des forces de police envers les exilés blottis sur le littoral se poursuit. D’imposants moyens sont dévolus aux solutions répressives et à cette honteuse agence publique européenne Frontex. C’est un « naufrage de civilisation » pour reprendre les termes du Pape qui a tenu un discours fort et humaniste dimanche dernier sur l’île de Lesbos.
Alors faut-il voter ce vœu qui semble faire office de cache-misère ? Cela n’a pas fait l’objet d’une grande discussion au sein de notre groupe : oui, bien sûr.
Car ce vœu n’absout rien, et ce contrat territorial d’accueil et d’intégration des réfugiés, témoigne aussi de la permanence de l’Etat de droit dans notre pays. C’est primordial par les temps qui courent. Il importe de savoir saisir les bonnes choses. Madame Aubry, prenez ! Prenez les financements et ce qui va avec.
Dans ses modalités de mise en œuvre, ce CTAIR s’avère efficient ; il est pensé pour s’appuyer sur l’existant et les réalités locales. Il permet de financer une diversité d’actions associatives ou en interne, si l’on se fie aux contrats déjà signés. C’est pourquoi de nombreuses villes et métropoles s’y sont déjà engagées, et tout dernièrement Marseille, Rouen, Besançon.
Nous avons d’ailleurs vu qu’un contrat serait en projet avec Lille et nous nous sommes empressés de vérifier cela cette semaine. Effectivement, un versement de 50.000€ de l’Etat à la ville de Lille a été effectué il y a quelques mois, dans le cadre de l’accueil des réfugiés afghans par la Ville et dans l’optique de mettre en place un CTAIR élargi à l’ensemble des personnes concernées.
Si vous avez échangé avec Alain Régnier, le délégué interministériel, Madame la Maire, ainsi qu’avec le secrétaire général de la préfecture du Nord, il semble néanmoins que le dossier stagne et que beaucoup reste à faire : élaborer et partager un diagnostic, réunir toutes les parties prenantes, prioriser les axes, identifier les actions à appuyer, renforcer ou déployer. Nous avons entendu la démarche volontariste de la DIAIR ; nous espérons entendre confirmer la vôtre ce soir. Aussi, nous aimerions savoir ce qui a avancé pour ce projet du côté de la ville, ou de la métropole le cas échéant.
Nous appelons nos collègues appartenant à la majorité à adopter ce vœu, bien sûr. Ce serait assez logique, car encore une fois, je le répète, nous n’avons guère de doute sur les valeurs qui vous animent. Nous attendons seulement des actes qui tardent à se concrétiser.
Sur un sujet grave et essentiel comme celui-là, voyez la main tendue de votre opposition composée pour l’essentiel d’anciens alliés, et débarrassée de l’extrême-droite. Comprenez que pour autant, cela vous oblige. Et gardons les postures et affrontements politiques là où nos désaccords sont réels et entiers.
Pour conclure, nous n’oublions pas que nombre d’exilés qui survivent dans notre ville ne bénéficient pas de la protection internationale, condition nécessaire pour être concernés par le contrat évoqué ce soir. C’est sa grande limite. Aussi nous tenons à redire l’absurdité de discriminer l’aide aux personnes exilées en fonction de leur situation administrative, qui découle souvent d’imbroglios bureaucratiques, que le règlement de Dublin favorise à l’extrême. Nous n’imaginons pas en effet que du simple fait de leur nationalité et statut, tant de personnes s’apprêtent de nouveau à passer un hiver sous tente ou abri de fortune dans notre ville. Ma collègue Faustine Balmelle [vous a / va vous] présenter un autre vœu en faveur de toutes les personnes sans abri.
En signant ce contrat, vous disposez de ressources financières conséquentes, [300000€ annuels durant 3 ans / cela a été dit], qui s’additionne à des aides plus mineures comme nous en votons ce soir (je pense aux 20000€ de dons à la fondation de Lille). Cela vous permet de dégager des moyens par ailleurs pour de non-bénéficiaires. Ce contrat devrait aussi permettre de nourrir un dialogue entre toutes les parties prenantes : du CCAS à la Cimade, d’Utopia 56 à la Sauvegarde, des différents services de la ville concernés aux services généraux de la préfecture. Ce dialogue sera utile dans tous les cas.
C’est le minimum que nous devons aux exilés, de même qu’aux trois bénévoles à Calais qui en sont venus à la solution extrême de la grève de la faim, indignés par l’inertie, voire la malveillance, des pouvoirs publics. Il s’agit bien ce soir, chers collègues, d’apporter une réponse politique à tant de détresse et d’injustice.
Pour cela, vous nous trouverez à vos côtés, Mesdames et Messieurs de la majorité. Notre souhait le plus sincère est de faire avancer la cause des droits fondamentaux, de la dignité humaine, de l’intelligence collective. Comme Olivier Caremelle le notait le 2 décembre à l’occasion d’un séminaire sur les migrations, organisé par cinq grandes associations caritatives, « Rien ne nous condamne à l’impuissance ou la résignation. »
Je vous remercie de votre attention.